Peut-on parler d’« islamo-fascisme » ?
Presse
26 février 2015
Il s’agit d’une expression journalistique apparue dans les années 1990 chez des polémistes et des essayistes anglo-saxons, même si personne n’en assume la paternité. Elle ne renvoie en revanche pas à une définition scientifiquement admise. Ceci dit, on ne demande pas à un premier ministre d’écrire une thèse universitaire…
Ce terme me gêne car il y a autant de convergences que de divergences entre l’islamisme et le fascisme. Côté convergences, il y a dans les deux une conception totalitaire de la société mais aussi une glorification de la violence qui pourrait renvoyer au “Viva la muerte” des franquistes espagnols. Ce qui ne signifie pas pour autant qu’il y ait un lien de parenté, car les fascismes n’ont pas le monopole de cette attirance pour la mort, que l’on retrouve par exemple aussi dans l’ex-guérilla des Tigres tamouls, au Sri Lanka. De même, l’antisémitisme ou la théorie du complot ne sont pas l’apanage du nazisme.
Les divergences sont plus profondes et décisives. Là où les fascistes voulaient établir la prééminence de l’État dans la sphère économique, les islamistes s’accommodent très bien de l’économie de marché. Surtout, le fascisme et l’islamisme ont des objectifs opposés et un rapport différent à la modernité. Le fascisme voulait faire émerger un homme et un ordre nouveaux, l’islamisme veut revenir à l’ordre ancien et à un homme “pur” des origines.
Enfin, le terme “islamo-fascisme” montre l’incapacité de l’Occident à penser le totalitarisme autrement qu’en le réduisant au fascisme ou au nazisme. C’est une grave erreur intellectuelle car on a connu et on connaîtra des formes de totalitarisme, y compris génocidaires, comme celui des Khmers rouges, d’inspiration marxiste, qui n’ont rien à voir avec le fascisme. »