19.11.2024
Comment envisager une sortie de crise en Ukraine ?
Interview
4 février 2015
Après les tentatives de négociations et les accords de cessez-le-feu qui avaient été trouvés, la dégradation de la situation ainsi que la poursuite et l’intensification des combats conduisent à une situation qui est beaucoup plus négative qu’auparavant et rendent pessimistes. Poutine n’aide pas tellement à une sortie de crise. Il a incontestablement durci le ton et nie la réalité concernant l’aide apportée par Moscou aux séparatistes du Donbass. Certes, les séparatistes pro-russes ne sont pas des marionnettes du Kremlin mais ils bénéficient incontestablement d’une aide de la Russie. L’absence de volonté de la part de Vladimir Poutine de trouver une solution d’entente laisse les Occidentaux dans l’expectative.
Même si l’on peut condamner l’attitude du dirigeant russe, militariser le conflit de l’Ukraine serait certainement plus une manière de mettre de l’huile sur le feu que de mettre fin à l’incendie qui est en train de couver. Si pour le moment, force est de constater qu’il n’y a pas de solution politique en vue, jouer la solution militaire viendrait à éloigner durablement toute solution politique. Moscou ne subira pas une défaite militaire face à Kiev et l’Union européenne n’a pas envie d’être engagée dans une guerre contre la Russie. Par ailleurs, donner un milliard d’aides militaires par an, sur trois ans, à l’Ukraine, étant donné la manière dont elle gère ses propres forces et la déliquescence de son armée, n’est pas non plus la réponse juste à apporter. Cela conduira à un engrenage dangereux qui pourrait mener à un affrontement militaire incontrôlable.
La France a-t-elle un rôle à jouer dans la résolution de cette crise et plus largement dans l’apaisement des relations avec la Russie ? Selon vous, peut-elle être un médiateur légitime et efficace ?
Effectivement, la France a un rôle particulier à jouer. Malgré un début de mandat caractérisé par des relations compliquées voire très froides avec Vladimir Poutine, François Hollande est certainement aujourd’hui le dirigeant occidental qui a le rapport le moins compliqué avec le dirigeant russe en comparaison de celui entretenu avec les Allemands, les Américains et les autres Européens. Entre le sommet de Normandie – pour lequel l’invitation à Vladimir Poutine avait été maintenue à juste raison dans la mesure où l’URSS a joué un rôle majeur dans la victoire contre le nazisme – et l’étape qu’il a fait à Moscou pour essayer de parler au dirigeant russe, il est certain que François Hollande essaie de trouver une solution diplomatique à la crise ukrainienne. Néanmoins, cette position française n’est pas toujours suivie par ses partenaires européens, plus sensibles au thème de la menace russe. La Pologne et les Etats baltes, notamment, adoptent parfois un ton beaucoup plus dur envers la Russie. Cette position n’est pas non plus suivie par Barack Obama au vu des divergences d’intérêts économiques qui opposent les Etats-Unis et l’Union européenne sur ce dossier. Le volume du commerce des Etats-Unis avec la Russie étant douze fois inférieur à celui engagé par l’Union européenne, Barack Obama, sur ce dossier, peut se permettre d’afficher une certaine fermeté vis-à-vis de Vladimir Poutine et ainsi essayer de se faire pardonner les reproches de procrastination qui lui sont adressés par les Républicains sur le Proche-Orient, l’Iran ou la Syrie.
Comment définiriez-vous la relation qu’entretiennent l’Organisation du traité de l’Atlantique Nord (OTAN) et plus largement les pays occidentaux avec la Russie ?
Il faut distinguer l’OTAN comme structure et les pays occidentaux. Ces derniers ont des attitudes différenciées vis-à-vis de la Russie ; la position française et allemande n’est pas la même que celle des Etats-Unis, des pays baltes ou de la Pologne. En revanche, l’OTAN, comme structure, met de l’huile sur le feu. Cette dernière, appuyée par le récent rapport d’anciens responsables américains rendu public tout récemment, essaie de justifier son existence en se présentant comme un rempart contre la menace russe. En cela, elle joue les « pompiers pyromanes » dans la mesure où elle suscite des réactions de force en Russie. De même que Clémenceau avait dit que « la guerre est une affaire trop importante pour être confiée uniquement aux militaires », la relation avec la Russie est une affaire trop importante pour être confiée à l’OTAN. Par conséquent, il faudrait mieux l’écarter de la relation avec la Russie.