ANALYSES

Situation en Ukraine : vers un enlisement du conflit ?

Interview
27 janvier 2015
Le point de vue de
Les combats ont repris depuis le 9 janvier. Quels sont les enjeux qui cristallisent aujourd’hui les deux parties ? Une sortie pacifique de la crise est-elle toujours envisageable ?

Les enjeux, aujourd’hui sont, pour les séparatistes de porter un coup décisif aux forces armées fidèles au président Porochenko, de façon à les contraindre à une négociation. Je pense que de leur point de vue, il y a le sentiment d’être dans une impasse en ce qui concerne les revendications sur l’autonomie du Donbass et qu’il n’y a qu’une seule option pour forcer le destin : remporter une nouvelle victoire militaire sur le terrain. La dernière victoire, en août dernier, avait été, en effet, de nature à provoquer la signature des accords de Minsk et à engager une première phase de négociations. En prenant l’aéroport de Donetsk et en poussant vers le Nord, vers la centrale électrique de Chtchastia, puis en allant vers Marioupol, donc vers un port stratégique, les séparatistes essayent aussi de doter un futur Donbass autonome des instruments économiques et énergétiques qui lui permettraient d’obtenir une viabilité économique.
En ce qui concerne les loyalistes, il y a clairement un parti de la guerre autour du Premier ministre Iatseniouk et un parti porté plutôt vers la négociation autour du président de la République ukrainien Petro Porochenko. La vraie question est de savoir lequel de ces deux partis va l’emporter alors que sur le terrain on peut se rendre compte que l’opération anti-terroriste déclenchée au printemps dernier est un échec, que l’armée ukrainienne n’arrive pas à faire plier les séparatistes, subit des pertes lourdes, et qu’une nouvelle phase de mobilisation destinée à mobiliser 100 000 hommes est très impopulaire, beaucoup d’Ukrainiens refusant la conscription. L’objectif est donc de savoir comment sortir de cette guerre sans perdre la face, en négociant ou en pariant sur une hypothétique victoire finale. C’est le véritable enjeu. Or les points de vue du Premier ministre ukrainien et du Président Porochenko ne semblent pas du tout les mêmes. C’est là que réside le principal problème.

Cette nouvelle offensive des forces séparatistes pro-russes compromet-elle une nouvelle fois les relations UE-Russie ? Est-ce que des sanctions renforcées, évoquées par l’UE et le président Obama, seront efficaces sur le pays ?

Les ministres des Affaires étrangères de l’UE doivent se retrouver jeudi 29 janvier pour une réunion sur la situation en Ukraine. Est évoqué la possibilité de nouvelles sanctions vis-à-vis de la Russie mais je ne suis pas persuadé qu’elles soient adoptées car elles n’ont pas pleinement démontré leur efficacité par le passé. Un nouveau durcissement des positions européennes n’est pas de nature à aboutir à un résultat tangible sur la crise et peut même s’avérer contre-productif. Je pense qu’on va donc plutôt vers un appel à la paix, aux négociations et à une condamnation des violences, rien de plus. Enfin, ce qui fait souffrir l’économie Russie, plus que les sanctions, c’est la baisse du cours du pétrole et la dévaluation du rouble. Les sanctions jouent certes un rôle dans les difficultés économiques que rencontre la Russie actuellement mais un rôle mineur par rapport à ces autres facteurs.

Y a-t-il, selon vous, des perspectives pour une sortie de crise ?

Il n’y aura pas de sortie de crise sans retour à la table des négociations de toutes les parties concernées : les autorités ukrainiennes, les séparatistes et éventuellement les Russes, les Allemands et les Français, comme cela avait été proposé. Il faudra, aussi, que les accords de Minsk soient appliqués de façon élargie. Ces accords prévoyaient un certain nombre de dispositions militaires – zone de sécurité, retrait des armes d’un calibre supérieur au 100 millimètre – qui non seulement n’ont pas été respectées mais étaient insuffisantes. Il faudrait donc les mettre en place en les élargissant à toutes les armes, pas seulement aux armes lourdes et séparer réellement les belligérants en créant une zone démilitarisée. Enfin il faudrait accepter de négocier précisément ce que sera le statut spécial de la région du Donbass, qui était évoqué dans les accords de Minsk mais sans être clairement défini. Tant qu’un accord ne sera pas trouvé sur ce point j’ai bien peur que l’on n’arrive pas à une sortie de crise négociée.
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