ANALYSES

« A court-terme, le Dakar ne reviendra pas en Afrique »

Presse
16 janvier 2015
En 2008, pour la première fois depuis sa création, en 1978, l’édition du Dakar, cette course mythique du rallye-raid fut annulée pour des raisons de sécurité. En effet, quelques jours avant le Grand Départ de l’épreuve, le 24 décembre 2007, quatre touristes français furent assassinés en Mauritanie, lors d’une attaque attribuée aux islamistes radicaux. Le surlendemain, trois soldats mauritaniens vinrent s’ajouter à la liste des victimes. Enfin, le 29 décembre, Al-Qaida au Maghreb islamique menaçait la Mauritanie pour son soutien à la sécurisation du parcours du Dakar. Face à l’ampleur de la menace sur la sécurité des participants, la décision paraissait donc inévitable. Dès 2009, face à l’instabilité persistante de la région, le Dakar rebondit en Amérique du Sud et s’y installe peu à peu. Sept ans après, TeamSportEco s’est posé une question : « le Dakar peut-il un revenir en Afrique ? ». Pour cela, laissons la parole à Samuel Nguembock, chercheur associé à l’IRIS (Institut des Relations Internationales et Stratégiques).

La décision de ne plus courir le Dakar en Afrique était-elle justifiée ?
Je ne pense pas que la délocalisation du Dakar soit une décision exagérée car elle est fondée sur des faits sécuritaires avérés. Dans une région où l’instabilité est très forte, les risques sont trop grands. En effet, la porosité des frontières est grande et les Etats ne peuvent pas contrôler tous les mouvements ce qui permet aux groupes terroristes d’aller et venir à leur guise.

Pouvez-vous nous en dire plus sur la situation actuelle dans la région sahélo-saharienne ?
La situation en Lybie est sans précédent. Depuis la chute de Kadhafi, le pays vit dans le chaos L’arsenal de Kadhafi est tombé entre les mains des terroristes qui s’adonnent à un gigantesque trafic avec les autres groupes dans toute le zone sahélo-saharienne. Les autres pays de la zone (Mali, Mauritanie, Burkina Faso à l’Ouest, le Tchad et le Niger à l’Est) ont également beaucoup de mal à préserver l’intégrité de leur territoire et à assurer l’imperméabilité de leurs frontières. Les groupes terroristes profitent de ces faiblesses pour s’y cacher et se mouvoir.

Qui sont ces groupes terroristes ?
Plusieurs groupes armés terroristes circulent dans la zone. Il y a bien entendu Aqmi mais c’est surtout dans le Nord du Mali, région très peu sécurisée, que ces groupes s’installent. On peut également citer MUJAO, Ansar Dine ou encore des groupes de rebelles touareg.
Ces terroristes se distinguent par leur grande mobilité. Cela rend donc la tâche difficile à tout dispositif de surveillance. Ils peuvent agir à tout moment, en tout lieu. Il est impossible de tout contrôler et surtout d’anticiper.
La situation est d’autant plus tendue qu’il existe une compétition entre tous ces mouvements, ce qui peut produire une certaine escalade de la violence.

Quelles solutions existent aujourd’hui ?
Il y a deux stratégies possibles. La première serait de rentrer en Libye afin de couper à la source ce trafic d’armes. La deuxième, retenue dans le cadre de la force Barkhane, est d’encercler la Libye afin d’éviter que les armes ne se répandent encore plus dans la zone sahélo-saharienne.
La force Barkhane est un bon début de réponse. Elle patrouille et tente de contrôler la zone, procède à des fouilles et des saisies d’armes et a déjà réalisé un bon nombre d’arrestations. Mais l’opération est loin d’être terminée. Elle a besoin d’être renforcée du fait de l’immensité de la tâche et du territoire à couvrir. Cela demandera du temps, plus de moyens.

Quels moyens sont donc nécessaires dans l’avenir ?
La France ne peut pas à elle seule assumer la lutte contre le terrorisme dans cette zone. Les pays africains doivent affirmer leur volonté politique de mettre en commun leurs efforts. On a également besoin de l’expertise des Américains et des Britanniques en matière de lutte contre le terrorisme. Même les pays en retrait, comme la Chine, ont un rôle à jouer. Bref, on a besoin de tout le monde.

Le Dakar peut-il un jour revenir en Afrique ?
A moyen terme, pourquoi pas. A court terme, je ne crois pas tant la région est loin d’être sécurisée. Le Dakar est une cible attractive, symbolique pour ces groupes terroristes. Un drame est vite arrivé, l’opinion internationale serait choquée. Encore une fois, l’ensemble des acteurs doivent mettre en commun leurs efforts. Et je crois savoir que la course s’épanouit en Amérique du Sud
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