Négociations israélo-palestiniennes : vers toujours plus de division ?
Quel sera le poids de l’adoption par l’Assemblée nationale et le Sénat d’une résolution invitant le gouvernement français à reconnaitre l’État palestinien ? Quelles sont les prochaines étapes ? L’Union européenne a-t-elle également un rôle à jouer ?
Après l’Assemblée nationale, le Sénat a à son tour adopté une résolution demandant la reconnaissance de l’État palestinien par le gouvernement français. Ce vote a révélé qu’il existe une profonde division gauche-droite sur cette question, avec une gauche très majoritairement favorable et une droite divisée mais majoritairement réticente ou hostile à une telle décision.
C’est donc un geste politique important qui a été réalisé par le Parlement mais la décision finale appartient toujours au Président. Le point de blocage n’est aujourd’hui pas du côté des parlementaires, ni du ministère des Affaires étrangères mais du côté de l’Élysée. Or, trop tarder à reconnaître la Palestine pourrait poser problème. En effet, 135 pays ont déjà reconnu la Palestine. En attendant, la France risque donc d’apparaitre dans le peloton de queue de ce mouvement de reconnaissance. Cette situation serait dommageable parce que la France a toujours été à la tête du mouvement pour la reconnaissance des droits des Palestiniens en particulier et du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes de façon plus générale.
L’Europe, en tant que telle, n’a pas vraiment de rôle à jouer parce qu’elle est extrêmement divisée sur ce point, avec l’Allemagne comme principal point de blocage. Attendre une position commune européenne reviendrait à accepter un blocage permanent. Si une concertation européenne est nécessaire, la paralysie de l’UE ne doit néanmoins pas figer la position française. Il est ici important de conserver une position nationale.
L’appel de 800 personnalités israéliennes au Parlement européen à reconnaître l’Etat de Palestine, est-il le symbole d’un pays divisé sur la question des négociations avec les Palestiniens ?
Cet appel montre que, même s’il est affaibli, le camp de la paix existe toujours en Israël. Il permet également d’éviter les amalgames et de ranger tous les Israéliens dans le même camp, cette initiative montrant que certains d’entre eux sont favorables à la paix et s’engagent même au quotidien aux côtés des Palestiniens pour la reconnaissance de leurs droits.
Ceci étant, on observe que la société israélienne glisse de plus en plus à droite. Les futures élections législatives de mars 2015 devraient le confirmer. Aujourd’hui déjà, une alliance gouvernementale est formée entre la droite et l’extrême-droite. Or cette extrême-droite est profondément hostile à tout accord avec les Palestiniens. Si certains parlent d’islamo-fascisme pour les Palestiniens, il ne faut pas oublier qu’il y a aussi des extrémistes de droite au sein du gouvernement israélien.
Suite à la mort de Ziad Abou Eïn, ministre palestinien chargé de la lutte contre la colonisation, de nombreuses voix se sont élevées pour critiquer Tsahal. L’armée israélienne est-elle alors « l’armée la plus morale au monde » comme l’affirment certains ?
Il faut espérer qu’une enquête impartiale aura lieu : l’usage est en effet de ne pas en ouvrir lorsque qu’il y a des morts palestiniens du fait de l’armée israélienne. La personnalité du mort pourra cependant rendre plus difficile l’absence d’enquête, mais rien n’est pas certain.
Le slogan décrivant l’armée israélienne comme « l’armée la plus morale au monde » est une plaisanterie. Au nom de quelle supériorité, l’armée israélienne serait-elle plus morale que les autres forces armées ? Certes, elle n’a pas utilisé toutes les armes à sa disposition lors de son intervention contre Gaza cet été, fort heureusement, sinon la zone aurait été entièrement rayée de la carte. Il s’agit donc d’un artifice de propagande qui ne résiste pas à un examen minutieux. Il ne s’agit pas spécifiquement du problème de l’armée israélienne mais plutôt d’un problème général propre à toute armée d’occupation. Elle ne peut pas avoir un comportement moral car elle entretiendra invariablement des comportements de répression, de supériorité et d’humiliation répétés vis-à-vis des populations civiles, ce d’autant plus quand l’occupation se prolonge comme c’est le cas pour Israël.
Cumulée à ces facteurs, l’autonomie dont bénéficient généralement les soldats israéliens laisse la porte ouverte à tous les abus : certaines fois vous pourrez tomber sur un soldat compréhensif avec qui le passage du checkpoint se passera bien mais, d’autres fois, vous tomberez sur un soldat qui n’aura de cesse de vous humilier. On dispose aujourd’hui de multiples vidéos – dont de nombreuses ont été tournées grâce à l’appui d’ONG israéliennes fournissant des caméras aux Palestiniens –, montrant ces humiliations et le comportement violent que peuvent avoir les militaires israéliens vis-à-vis des civils palestiniens.