Comment gérer les perturbations du trafic aérien générées par les drones ?
L’explosion de la vente de drones va-t-elle entraîner in fine une perturbation du trafic aérien, en sachant qu’amazon et d’autres projettent aussi leur utilisation à des fins commerciales ou de secourisme ?
La multiplication des drones et l’irresponsabilité de certains de leurs utilisateurs pose un vrai problème.
L’une des toutes premières règles du vol est de « voir et éviter ». Ce n’est pas toujours possible, surtout pour les avions de transport. En présence de vols de drones non contrôlés dans une zone à risque, typiquement à proximité d’un aéroport, on pourrait voir les responsables locaux interdire tous les mouvements et dérouter l’ensemble du trafic. On assiste aussi à l’éclosion d’un nouveau type de risque dans le domaine militaire. Les unités des forces terrestres sont de plus en plus souvent dotées de petits drones permettant d’aller reconnaître leur environnement immédiat.
La tentation est grande d’utiliser ces drones sans en référer à une autorité de contrôle gérant l’ensemble de l’espace, au risque de provoquer des collisions avec des aéronefs évoluant en basse altitude dans une zone qui leur est théoriquement réservée.
L’envie d’utiliser des drones pour de livraisons commerciales semble relever, pour le moment, de l’utopie. C’est coûteux et complexe. Cela nécessiterait aussi la création de « tubes » à sens uniques réservés à ce type de drones, avec des garanties techniques de respect des tubes, impliquant l’emploi de matériels onéreux. Par contre, l’utilisation ponctuelle de drones « d’urgence », capables d’apporter très vite un défibrillateur ou des médicaments peut se gérer en bloquant ponctuellement la circulation aérienne dans la zone concernée.
Concrètement, la collision d’un appareil de vol commercial avec un petit drone présente-il un réel danger pour la sécurité aérienne ? Et celle des pilotes et passagers ? Peut-elle entraîner un crash ?
On donne le nom de « drone » à tout ce qui vole sans un pilote à bord. Alors que la différence entre les différents types de machines non pilotées est très importante. Les plus petites pèsent quelques grammes, les plus grosses une vingtaine de tonnes. Il y a aussi une différence entre celles qui volent seules, en fonction d’un programme introduit avant le décollage, et celles qui sont radiocommandées et donc en permanence contrôlées par un humain.
Les petits drones, pesant au maximum quelques kilogrammes, sont les plus répandus, et ils sont généralement radiocommandés et restent à porte de vue de leurs opérateurs. N’importe qui peut s’en procurer un et il est très difficile d’empêcher leur utilisation. Les risques de collision avec un appareil piloté, qu’il soit militaire ou civil, avion de transport ou d’aéroclub, sont réels, sachant toutefois que les petits drones ne peuvent pas voler très haut et que ces risques sont donc limités au voisinage des aérodromes.
La sécurité peut être mise en jeu, mais de façon très aléatoire. Suivant le moment où intervient la collision, le point d’impact, le régime de vol, les conséquences peuvent être radicalement différentes. Le pire qui puisse arriver, probablement, est l’ingestion d’un drone par le réacteur d’un avion. Sur un avion de ligne en phase d’atterrissage ou de décollage, cela peut entraîner un crash.
Les zones les plus à risques sont les aéroports lors des atterrissages ou décollages. Mais en France, les démultiplications de survol de centrales nucléaires par des drones ont également été reportés. Faut-il légiférer désormais légiférer pour encadrer l’utilisation des drones de loisir ?
Jean-Vincent Brisset : Les survols de centrales nucléaires ont fait l’objet de nombreuses rumeurs, mais la communication des services officiels à ce sujet est demeurée très vague et on ne sait toujours pas qui a fait quoi et quels étaient les objectifs visés.
Une chose paraît cependant évidente : on arrivera dans un avenir assez proche, à la mise en place d’une réglementation des drones qui devrait s’apparenter à celle qui régit la possession et l’emploi des armes en fonction de catégories.
Depuis la nécessité d’une simple déclaration lors de l’achat pour les plus petits engins jusqu’à des procédures lourdes et très encadrées pour les plus grosses machines, surtout pour les lieux et les modalités d’utilisation.
En France, il existe déjà une réglementation, qui devra s’adapter, mais il ne semble pas y avoir, dans ce domaine une « exception française ».
Le Congrès américain en 2012 a justement ordonné à la FAA de procéder à l’établissement d’une législation pour encadrer l’intégration des drones dans l’espace aérien. Mais le processus devrait prendre des années… En attendant, est-ce aux pilotes et aux compagnies de s’adapter ? Faut-il en ce sens interdire purement et simplement l’utilisation privée des drones pour ne la réserver qu’à une utilisation militaire ?
La plupart des questions sur l’insertion des drones dans la circulation aérienne globale, essentiellement composée d’aéronefs pilotés, proviennent d’une incompréhension globale de la problématique, ou plutôt DES problématiques. Pour les vecteurs circulant dans la troisième dimension, qu’ils soient pilotés ou non, il y a deux manières normales d’exercer le contrôle aérien.
Ils peuvent être strictement assujettis à un plan de vol, c’est-à-dire qu’ils doivent, à chaque instant, se trouver à l’endroit (position et altitude) annoncés dans le plan de vol. Sachant que le plan de vol peut être réactualisé en permanence, à condition d’obtenir l’autorisation d’une autorité qui compare les interférences possibles entre ce plan de vol actualisé et les plans de vol des autres aéronefs.
En cas de conflit, c’est cette autorité qui impose des manœuvres dans le temps et l’espace pour supprimer le risque de conflit. Ce type de contrôle s’applique bien aux aéronefs, civils ou militaires, qui effectuent une mission dont tous les détails peuvent être définis à l’avance. Cela concerne, très typiquement, des missions de transport – fret ou passagers -, mais aussi des missions de surveillance ou de ravitaillement en vol. La seule différence entre un aéronef piloté et un drone est la manière de répondre à un ordre de manœuvre donné par l’autorité qui contrôle le vol, ordre « oral » au pilote dans un cas, télécommande dans l’autre.
L’autre mode de contrôle est beaucoup plus direct et est adapté aux aéronefs dont la trajectoire de mission, n’est pas définie de manière stricte avant le décollage. Elle consiste à suivre en permanence l’aéronef concerné, en utilisant les radars et d’autres moyens, et à lui donner directement des ordres. Ces ordres sont destinés soit à éviter une collision, soit à permettre d’effectuer la mission. C’est ainsi que les intercepteurs et les avions effectuant des appuis de troupes au sol sont souvent guidés vers leur cible par un contrôleur aérien (depuis une station au sol ou en vol).
Les deux modes peuvent interférer quand un vol suivi dans un mode est (ou devient) prioritaire par rapport à un vol suivi dans l’autre.
Plusieurs raisons peuvent faire qu’il ne soit pas possible d’assurer la sécurité et/ou l’efficacité des moyens de contrôle « normaux ». La plus habituelle est l’impossibilité, là où le contrôle direct serait approprié, de suivre en permanence et avec précision l’aéronef concerné et son environnement. C’est généralement le cas des opérations en basse, voire très basse altitude, là où la détection radar ne fonctionne pas. Dans ces conditions, on définit des « boîtes », zones limitées à la fois par des frontières au sol et une tranche d’altitude. Elles sont réservées pendant une durée donnée à un ou plusieurs aéronefs (avions d’attaque au sol, hélicoptères ou drones) et interdites à tous les autres.