Vote sur la reconnaissance de l’Etat de Palestine: un message fort
La résolution de l’Assemblée nationale sur la reconnaissance de l’État de Palestine s’adresse au gouvernement français. Du moins formellement, car sur le fond, le texte parlementaire constitue un message fort en direction de l’État d’Israël. Du reste, malgré une apparente imperméabilité à toute pression internationale, le gouvernement Netanyahou n’est pas insensible à l’événement que représente le vote des représentants du peuple français et (surtout) à la dynamique diplomatique dans lequel il s’inscrit. L’un comme l’autre conforten l’isolement international auquel est voué Israël, tant qu’il s’obstinera dans une stratégie fondée sur un triptyque illégal: occupation, répression et colonisation.
Certes, le fait que le vote de l’Assemblée nationale ne produise ni effet juridique contraignant, ni effet concret sur le terrain a amené nombre de commentateurs à le qualifier de purement symbolique. Mais alors comment expliquer la mobilisation et la nervosité des avocats inconditionnels d’Israël à l’approche du débat puis du vote parlementaires? Le Premier ministre Benjamin Netanyahou n’a pas hésité à mettre en garde la représentation nationale et la France elle-même en déclarant notamment que « la reconnaissance d’un Etat palestinien par la France serait une grave erreur ».
Pourtant, le sens de l’Histoire commande la reconnaissance/création d’un Etat palestinien et condamne la stratégie d’occupation et de colonisation dans laquelle s’est engagé l’Etat israélien. Cette politique guidée par la seule obsession sécuritaire constitue une impasse. Une voie sans issue pour le peuple israélien lui-même, une voie interdite par le droit international et rejetée par la communauté internationale.
La politique coloniale israélienne n’échappe pas aux prescriptions du droit international. La longue litanie des projets de colonisation annoncés régulièrement par les gouvernements successifs viole les propres engagements internationaux de l’État israélien, lequel a ratifié (en 1951) la IVe convention de Genève relative à la protection des personnes civiles en temps de guerre, du 12 août 1949, et applicable aux territoires occupés par Israël depuis 1967, y compris Jérusalem-Est. L’article 49 de ce texte phare du droit international humanitaire interdit en effet l’implantation de populations nouvelles dans un territoire conquis à la suite d’un conflit: « La puissance occupante ne pourra procéder à la déportation ou au transfert d’une partie de sa propre population civile dans le territoire occupé par elle ».
C’est sur ce fondement que les organes onusiens ne cessent de réaffirmer le caractère illégal de la colonisation israélienne. Ainsi, la résolution 465 (1980) du Conseil de sécurité des Nations unies rappelle que « la politique et les pratiques d’Israël consistant à installer des éléments de sa population et de nouveaux immigrants dans [les Territoires palestiniens occupés depuis 1967, y compris Jérusalem] constituent une violation flagrante de la [IV] convention de Genève […] et font en outre gravement obstacle à l’instauration d’une paix d’ensemble, juste et durable au Moyen-Orient. Cette résolution appelle ainsi Israël à démanteler les colonies de peuplement existantes ».
Parmi les diverses manifestations de la violation du droit international par l’État israélien, la construction d’un mur de séparation en Cisjordanie revêt une dimension particulière en ce 25e anniversaire de la chute du « Mur de Berlin ». Il y a dix ans, dans son avis consultatif du 9 juillet 2004, la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye jugeait illégale l’édification de ce mur de séparation. Selon la CIJ, celui-ci est constitutif d’une violation manifeste du droit international: non seulement il concrétise une annexion de territoires occupés, mais son emplacement ne saurait être justifié par des raisons de sécurité nationale.
La conclusion de la CIJ est sans appel: « L’édification du mur qu’Israël, puissance occupante, est en train de construire dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est, et le régime qui lui est associé, sont contraires au droit international »; qu’en conséquence, « Israël est dans l’obligation de réparer tous les dommages causés par la construction du mur dans le territoire palestinien occupé, y compris à l’intérieur et sur le pourtour de Jérusalem-Est ».
Une conclusion logique de la CIJ, au regard du postulat de départ de son raisonnement: « les colonies de peuplement installées par Israël dans le territoire palestinien occupé l’ont été en méconnaissance du droit international ».
Aujourd’hui, l’enjeu est moins juridique que politique et diplomatique. Face à l’incongruité de la position israélienne -officiellement ouverte aux négociations, mais sans gel préalable de la colonisation- l’Autorité palestinienne s’est tournée vers la Communauté internationale, en optant pour la voie du multilatéralisme onusien et du dialogue avec les sujets du droit international (les Etats comme les organisations intergouvernementales).
Après les succès enregistrés devant l’Assemblée générale de l’ONU et de l’UNESCO, cette stratégie diplomatique et pacifique prend de l’ampleur: 135 Etats ont d’ores-et-déjà reconnus l’État palestinien, la Suède a montré la voie au monde occidental, les parlements européens s’engagent et mettent la pression sur leur propre gouvernement. Il s’agit là d’une dynamique vertueuse, car si l’acte de reconnaissance ne saurait résoudre à lui seul le conflit israélo-palestinien, il en constitue l’un des éléments constitutifs, l’une des étapes décisives.