Vote sur la reconnaissance d’un Etat palestinien par la France : quels enjeux?
Le vote sur la reconnaissance d’un Etat palestinien par la France est imminent. Etait-il important que la France se positionne sur cette question ? Quelles pourraient être les conséquences d’un vote positif ?
Il est évident que la France devait se positionner sur la question de l’Etat palestinien tout simplement parce que c’est un pays voulant avoir une politique internationale ambitieuse et volontariste et non suiviste ou inactive. De plus, elle a toujours été à l’avant-garde sur la défense du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et sur la reconnaissance des droits des Palestiniens, que ce soit sous les mandats de de Gaulle, de Mitterrand -voir son célèbre discours à la Knesset- ou de Chirac. La France, très active et qui se veut un leader sur la question, ne peut être la muette du sérail sur une question aussi importante dans l’imaginaire collectif (non seulement arabe et musulman mais aussi mondial). Dans tous les pays du Sud, cette cause est en effet considérée comme importante, il n’y a qu’à voir la réaction des pays latino-américains ou de l’Afrique du Sud sur ce sujet.
Pour ce que la France veut être, elle ne peut se réfugier dans l’abstention ou se ranger dans une politique prudentielle du ni oui ni non. Elle doit prendre position haut et fort en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien. Le cas contraire serait relativement ni conforme à la tradition française, ni à ses valeurs et entraînerait une perte de crédibilité. On aurait l’impression que le pays se range à une position frileuse, ne poursuivant plus les objectifs stratégiques, humanistes et politiques concernant le droit des peuples à disposer d’eux-mêmes pour lesquels elle a toujours milité.
Certains députés ont estimé que reconnaître l’Etat palestinien reviendrait « à importer le conflit israélo-palestinien ». Qu’en pensez-vous ?
Dire que reconnaître l’Etat palestinien reviendrait « à importer le conflit israélo-palestinien » en France est aberrant. Certains députés ont affirmé que la France ne devait pas reconnaitre la Palestine car elle n’avait pas à prendre parti sur la question. Or, ne pas reconnaître la Palestine c’est également prendre parti. Il n’est pas possible de ne pas se positionner : soit on prend parti pour la paix avec deux Etats pour deux peuples, Jérusalem divisée et capitale des deux Etats, soit on se positionne pour la continuation du processus actuel dont on voit qu’il conduit au pire. Dire que l’on ne vote pas en faveur de la reconnaissance de l’Etat palestinien veut dire que l’on pense que le processus actuel de non-négociation va permettre d’aboutir à un résultat, ce qui est un non-sens que l’expérience et l’intelligence des situations ne permettent pas d’imaginer.
Par ailleurs, le conflit israélo-palestinien est en réalité importé depuis longtemps. Or, ceux qui affirment qu’il ne faut pas l’importer, affichent le plus souvent une solidarité sans faille avec le gouvernement israélien quoique fasse ce dernier. Ce conflit divise aujourd’hui profondément la société française. Il ne faut donc pas se bercer d’illusions, mais voir les choses en face et ne pas jouer la politique de l’autruche. Ne pas reconnaître la Palestine, loin de calmer les tensions, contribuerait à les nourrir. De toutes façons, la France doit se déterminer en fonction des principes qui sont les siens et non pas en fonction du poids de telle ou telle communauté.
La stratégie de Mahmoud Abbas consistant en la reconnaissance d’un Etat indépendant via différentes organisations internationales vous semble-t-elle la bonne en l’absence de réouverture des pourparlers de paix avec Israël ?
Quels sont véritablement les autres choix qui s’offrent à lui ? Les négociations n’ont jusqu’à maintenant débouché sur rien car Israël ne négocie que pour gagner du temps tout en poursuivant la colonisation. La composition de l’actuel gouvernement israélien, où l’extrême-droite et ceux qui refusent la perspective d’un Etat palestinien sont très nombreux et influents, ne laisse guère d’espoir sur la question. De plus, alors que Mahmoud Abbas était au pouvoir, le retrait israélien unilatéral de Gaza s’est fait sans l’associer, ce qui a contribué à la prise du pouvoir par le Hamas en janvier 2006 conformément à ce qu’avait prédit Yossi Beilin.
Il serait comique d’entendre Israël dénoncer l’unilatéralisme palestinien, si la situation n’était pas tragique. Mahmoud Abbas cherche au contraire une voie diplomatique, internationale et multilatérale. Vouloir passer par la reconnaissance internationale et la voie onusienne ne peut en rien lui être reproché, surtout qu’on ne voit pas bien quelles sont les autres options à sa disposition, sauf accepter la situation actuelle, c’est-à-dire le non-règlement du conflit, une occupation qui se prolonge et la répression qui accompagne toute occupation militaire. La stratégie de Mahmoud Abbas est donc éminemment préférable à celle de l’acceptation de l’occupation ou celle de l’affrontement armé, les deux étant finalement liés.