Que faire des deux Mistral commandés par la Russie?
Moscou menace Paris de poursuites et de lourdes pénalités si le contrat de livraison n’est pas respecté. François Hollande estime, lui, que la France est « dans les règles » et refuse de céder à la pression. Entretien avec Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’Institut de relations internationales et stratégiques.
« La première difficulté dans ce dossier, c’est que l’on ne connaît pas le détail du contrat privé signé entre la DCNS, le groupe industriel français qui a construit les Mistral, et la Rosoboronexport, l’agence d’armement russe qui les a commandés. On ne peut donc que spéculer sur la date de livraison prévue et sur les pénalités que pourrait avoir à payer la France en cas de retard, voire d’annulation de ce contrat.
Le vice-premier ministre russe, Dmitry Rogozine affirmait récemment que le navire Vladovostok aurait dû être livré le 14 novembre. Et Moscou a fait savoir que la France avait jusqu’à la fin du mois pour honorer son engagement, faute de quoi elle s’exposerait à de « sérieuses » demandes de compensation.
Cela fait partie du jeu classique qui consiste à mettre Paris sous pression. Le président Hollande a d’ailleurs répliqué, ce week-end, que la France était « dans les règles » et qu’il y avait « du temps ». Pour autant, tout le monde sent bien que cette valse-hésitation n’est pas satisfaisante.
Il est clair qu’il est sage de différer cette livraison. Mais les raisons de cette décision doivent être explicitées plus clairement. Le président doit reprendre la main, hisser le niveau diplomatique et afficher la ferme volonté d’engager des négociations avec Poutine.
Pour l’instant, la situation semble bloquée, mais Européens et Russes ont tout intérêt à trouver une solution. Moscou ne veut de partition de l’Ukraine et les Occidentaux n’ont pas envie d’une guerre avec la Russie.
Fédéralisation de l’Ukraine, création de Républiques autonomes, pas d’entrée de l’Ukraine dans l’Otan?: les termes d’un possible accord, tout le monde les connaît. Reste à savoir comment on enclenche la négociation et comment on implique tous les acteurs, y compris les Américains.
Si on y arrive, ce qui n’a rien d’impossible, la question des Mistral sera réglée : nous pourrons les livrer. Mettre en place un plan B en cherchant à les revendre à tel ou tel pays?; demander à nos partenaires européens de partager le coût d’une annulation de contrat serait, à la limite, une bonne solution financière, mais pas la meilleure sur le plan diplomatique?: le signe que l’on a renoncé à trouver une solution crise ukrainienne et que la Russie est devenue une ennemie. »