20.11.2024
Catalogne : une consultation, pour quoi faire ?
Interview
7 novembre 2014
Cette consultation s’inscrit dans le bras de fer qui dure depuis plusieurs mois entre les capitales des gouvernements catalan et central (respectivement Barcelone et Madrid). Elle a finalement été interdite par le gouvernement central. Ce qui sera organisé le 9 novembre, ne sera donc pas une consultation à caractère officiel (tel un référendum), c’est cela qui avait été interdit par le Tribunal constitutionnel suite à sa saisie par le gouvernement central. Il s’agira en réalité d’une sorte de sondage militant, organisé par des volontaires, pour la plupart favorables à la souveraineté de la Catalogne. Cette consultation aura la même valeur qu’une manifestation dans la rue.
Quel devrait être son impact sur la vie politique espagnole ?
Cette consultation n’aura aucun impact légal et pourra être considérée comme l’équivalent d’une manifestation à caractère militant : ce sera une consultation purement indicative. L’élément clé à étudier sera le nombre de votants. La dernière consultation similaire avait réuni près de 800.000 votants. Si la participation s’avère supérieure, la consultation deviendrait un argument de poids pour les organisateurs (les partis nationalistes et indépendantistes) dans le débat qui les oppose au gouvernement central de Madrid. Si elle s’avère inférieure, ce sera considéré comme une victoire pour les autorités centrales. De leur côté, ces dernières ont décidé de lâcher du lest dans la mesure où il ne s’agit pas d’une consultation officielle et que le gouvernement catalan a annoncé qu’il ne parrainerait pas le sondage. Elles considèrent désormais cette consultation comme un acte citoyen et partisan relevant de la liberté d’opinion. La consultation de dimanche n’aura donc pas de portée constitutionnelle particulière.
La situation en Catalogne est-elle symptomatique de l’essor des mouvements autonomistes et indépendantistes en Europe ? L’Etat-nation a-t-il perdu sa raison d’être ?
La situation en Catalogne doit être remise dans le contexte de la crise, qui frappe chaque pays d’Europe. En fonction de ses caractéristiques propres, de son histoire et de ses lignes de faiblesse, chaque société y a réagi différemment. Dans certains pays, on a ainsi assisté à la montée en puissance de partis populistes (voire nationalistes) d’extrême-droite. Tandis que dans d’autres pays, où les structures nationales étaient plus fragiles, on constate que des fractures sont apparues au sein des sociétés. On peut penser au cas de la Catalogne en Espagne mais aussi au cas belge.
Or, dans la période pré-crise, la construction européenne et l’essor de la mondialisation avaient déjà contribué à affaiblir le pouvoir des Etats, qui avaient ainsi perdu certaines de leurs prérogatives traditionnelles (battre la monnaie, supériorité de leur droit interne sur leur territoire) et avaient dévitalisé leur capacité à réguler l’ensemble des problèmes de la société en procédant à des délégations de souveraineté. Certains acteurs, partisans d’une autonomie accrue, avaient alors fait le choix d’adopter une stratégie de montée en puissance en douceur et d’appuyer l’essor de l’Union européenne afin de priver les Etats d’éléments fondamentaux de leur souveraineté et ainsi organiser un rééquilibrage entre l’Etat central et les structures infra-étatiques en faveur de ces dernières. C’était ainsi la ligne défendu par les autonomistes belges, qui réclamaient la fédéralisation de la Belgique.
Pour ces mouvements, la crise économique et financière a alors constitué une accélération de l’histoire : les Etats étant affaiblis, certains y ont vu une fenêtre de tir afin de conquérir leur souveraineté. Avec la crise économique en Europe, ont ainsi ressurgi des revendications que l’on croyait dépassées. On peut penser au cas des Flamands en Belgique, des Catalans en Espagne, des Ecossais au Royaume-Uni, voire peut-être même bientôt l’Italie.