Politique étrangère de François Hollande : «Un pragmatisme réactif»
La politique étrangère est-elle le domaine dans lequel François Hollande réussit le mieux depuis deux ans et demi ?
Oui. C’est le domaine dans lequel François Hollande recueille le plus fort taux de satisfaction de la part des Français, en outre il est très bien considéré par ses homologues. Dans les sondages, les ministres les plus appréciés sont Jean-Yves Le Drian et Laurent Fabius. Comme s’il y avait une coupure entre les critiques de sa politique intérieure et une approbation de sa politique extérieure.
Qu’est-ce qui caractérise sa politique étrangère ?
C’est un pragmatisme réactif. On oppose souvent une ligne gaullo-mitterrandiste à une ligne occidentaliste liée aux États-Unis. Pendant la campagne électorale, Hollande semblait incarner un gaullo-mitterrandisme alors que Sarkozy représentait davantage l’occidentalisme. Aujourd’hui, Hollande fonctionne plutôt dossier par dossier de manière différente. Certains lui reprochent d’avoir pris un tournant néoconservateur du fait du nombre d’interventions militaires françaises. C’est faux car on ne peut pas mettre sur le même plan toutes ces opérations. Celles qui ont eu lieu en République centrafricaine et au Mali sont des interventions liées à l’urgence pour lesquelles Hollande, contrairement à ce qu’on lui reproche, a fait preuve de détermination et de réaction. À la différence des interventions militaires des gouvernements précédents, elles sont faites à la demande des pays concernés, dans un cadre international légal et un soutien, si ce n’est matériel, tout au moins politique de la communauté internationale. Ces interventions-là ne sont en rien le signe d’un tournant néoconservateur. Là où il y a une rupture, c’est sur la question palestinienne. Hollande s’était engagée à reconnaître la Palestine dans la campagne électorale. Pour des raisons qui doivent tenir surtout de la politique intérieure, il se montre plus en retrait. On lui a reproché d’avoir donné une sorte de feu vert à Netanyahou pendant la guerre de Gaza en lui reconnaissant le droit à la légitime défense sans l’encadrer. La France était traditionnellement en pointe dans ce dossier, elle ne l’est plus. C’est un changement de cap.
Les opérations de lutte contre le terrorisme en Afrique sont-elles efficaces ? Ne risque-t-on pas l’enlisement ?
La question est posée en Irak. On peut se demander si on a vraiment les moyens d’agir puisqu’on est un peu sur le porte-bagages des États-Unis. Mais dans les cas du Mali comme en Centrafrique si on n’était pas intervenu, c’était la prise de Bamako par les djihadistes et la possibilité d’un massacre de grande ampleur en Centrafrique rappelant le génocide du Rwanda. Ces interventions ne résolvent pas tout, mais elles ont au moins empêché le pire.
Hollande ne peine-t-il pas à trouver ses marques sur la scène européenne ?
La France manque un peu de partenaires. Merkel n’en est pas tout à fait un, les Britanniques et les conservateurs espagnols encore moins. C’est peut-être avec les Italiens que l’on peut faire une alliance. Mais il ne s’agit pas de prendre de front l’Allemagne ni de lui laisser les mains libres, c’est pourquoi la partie est délicate surtout que le rapport de force est en faveur de Merkel. La difficulté consiste à trouver des alliances avec des pays qui partagent notre point de vue, sans paraître agressif envers les Allemands, afin de trouver un compromis sur la relance de la croissance.
Recueilli par J.-P. B.