Lettre ouvert à Kim Jong-Un
Monsieur le Secrétaire général du parti des travailleurs de Corée, Monsieur le Président du Comité de la Défense nationale de Corée du nord,
C’est avec une appréhension compréhensible teintée de désenchantement que la communauté internationale a dernièrement observé, impuissante, une série d’incidents mettant aux prises troupes nord et sud-coréennes, ce, alors qu’une fenêtre plus apaisée semblait enfin s’offrir aux 74 millions de Coréens vivant dans la péninsule.
Fort heureusement, ces tensions n’ont pas débouché sur des hostilités plus graves ni fait de victimes, en République populaire démocratique de Corée comme en République de Corée; une issue dont le concert des nations s’est naturellement loué, la stabilité dans la péninsule coréenne et la promotion du dialogue entre Pyongyang et Séoul étant chères à la communauté des nations, aux capitales asiatiques comme aux plus lointaines nations occidentales.
Ces dernières avaient accueilli diverses récentes initiatives intercoréennes propres à rétablir un dialogue bilatéral jusqu’alors pour le moins ténu si ce n’est inexistant; début octobre, la venue à Incheon d’une délégation officielle nord-coréenne de haut rang, à l’occasion de la cérémonie de clôture des Asian Games organisés en République de Corée, souleva de grandes espérances. Concomitants de cet événement, les propos apaisants de l’ambassadeur nord-coréen aux Nations-Unies (Genève) sur la volonté de Pyongyang de reprendre les négociations sur son programme nucléaire alimentèrent plus avant ces prémices potentielles de décrispation. Dans ce registre encourageant, mentionnons encore la réunion mi-octobre à Panmunjom de responsables militaires du nord et du sud, la première depuis quatre longues années ou encore la libération, le 21 octobre, d’un citoyen américain retenu un semestre durant au nord du 38e parallèle.
Cette «offensive diplomatique» bienvenue suscite mécaniquement un élan d’enthousiasme international, un optimisme à la mesure des complexes enjeux – présents et futurs – caractérisant la péninsule coréenne et le nord-est asiatique, pareillement offerts aux contentieux historiques, aux rivalités régionales, aux dynamiques contraires. Ces augures que d’aucuns jugent favorables, encourageants, constituent un bénéfice rare, précieux, à partir duquel il s’agirait de capitaliser, à Pyongyang comme à Séoul.
Une logique bilatérale souhaitable que la communauté internationale est disposée à accompagner, pour peu qu’elle ait préalablement la conviction, la certitude que la main tendue rencontre de la part des acteurs coréens concernés une volonté sincère, solide, pérenne, d’œuvrer à une sortie de crise équitable.
En 2014, pas davantage en Asie-Pacifique qu’ailleurs sur le globe, l’isolement et la marginalisation internationale ne sont des fatalités incurables; loin s’en faut. Pour s’en convaincre, dans la fébrile région asiatique notamment, il suffit de revenir un instant sur la spectaculaire renaissance internationale de la Birmanie post-junte du président Thein Sein et d’Aung San Suu Kyi ces trois dernières années. Une remarquable rédemption – n’allant certes pas sans écueil, moins encore dans la facilité – qu’aucun observateur n’avait ne serait-ce qu’esquissée une poignée d’années plus tôt. Une réinsertion progressive dans le concert des nations, assistée par ces dernières, facilitée par les efforts engagés, les réformes audacieuses entreprises par le régime birman.
Monsieur le Secrétaire général, Monsieur le Président, il est facile de dresser une liste d’exemples, de précédents régionaux dont un gouvernement pourrait le cas échéant s’inspirer pour revenir plus en cours, sous un jour plus flatteur, au sein de la communauté internationale; diriger, manager au jour le jour, dans un XXIe siècle animé de soubresauts multiples et d’incertitudes diverses, une nation de 25 millions de citoyens aux prises avec de délicats défis domestiques et des différends extérieurs hérités de l’histoire, s’avère un exercice autrement plus relevé.
C’est en ayant pleinement conscience de ces réalités et de la nécessité, pour aborder ces défis immenses et donner rendez-vous à l’histoire, de devoir accompagner patiemment les initiatives que pourraient engager Pyongyang en faveur d’un rapprochement intercoréen réciproquement fructueux, que le monde attend de vous que cette fenêtre de dialogue récemment initiée en direction du sud demeure ouverte aussi longtemps que de besoin. Dans ce début de troisième millénaire complexe et déroutant, nul doute que le bien-être des 74 millions de Coréens, le développement socio-économique abouti de la péninsule et la stabilité régionale seront à ce prix.