Corée du Nord : pourquoi est-il si difficile de savoir ce qui est (vraiment) arrivé à Kim Jong-un
La réapparition de Kim Jong-un mardi matin met-elle définitivement fin aux rumeurs qui ont circulé sur un éventuel coup d’Etat ?
Olivier Guillard : Pour tenter de répondre à la problématique, il faut prendre un peu de champ et de précaution. En temps normal, nous sommes soumis structurellement à une carence majeure d’informations et de certitude sur tout ce qui a trait au régime nord-coréen et à son mode de fonctionnement. Imaginez ce qu’il en est en temps de crise ou de tension…
Ces six dernières semaines, et notamment ces dix derniers jours, les théories sont allées bon train sur les raisons de cette absence remarquée. Parmi elles, un an après la brutale disparition du n°2 du régime et oncle de Kim Jong-un (ndlr : il avait exécuté après avoir été accusé de trahison), celle d’un possible renversement de ce dernier par des généraux a circulé. Mais les services de renseignement américain et sud-coréen, généralement ‘’assez bien » informés sur ces thématiques, ont vite botté en touche et récusé ce scénario. Ils ont plébiscité celui de problèmes de santé de ce jeune trentenaire dont on sait encore si peu de choses, trois ans après son accession précipitée au pouvoir.
Peut-on cependant croire que cette absence était uniquement médicale, comme le laisse sous-entendre le régime ? Ou bien Kim Jong-il a-t-il pu être contesté avant de reprendre la main ?
Nous n’aurons guère de certitude sur la matière avant longtemps, si tant est que nous finissions un jour par avoir accès à tous ses tenants et aboutissants…
D’une part, le régime insiste pour afficher, à grands renforts de cérémonies télévisées et de grand-messes symboliques, une adhésion totale de la population au management du jeune Kim Jong-un. Mais de l’autre, on évoque régulièrement dans certaines sphères l’existence de réserves et de doutes de la part de certains cadres de l’armée. Ils s’interrogent sur l’opportunité de maintenir, dans un contexte de crise avec la Corée du sud et les Etats-Unis, une attitude et une politique aussi frondeuse, va-t’en guerre, dangereuse et menaçante. Mais, naturellement, comme savoir au-delà de la supputation ?
Eu égard aux précédents connus dans la famille et à l’apparition ce jour encore de Kim Jong-un une canne à la main pour se déplacer, l’hypothèse de problèmes médicaux assez sérieux semble néanmoins crédible.
Même si elle était est uniquement médicale, cette absence prolongée est-elle néanmoins significative sur le rapport de forces dans le régime ? A priori, une blessure à la cheville n’empêche pas de faire des interventions à la télévision.
Certes. Mais utilisons une comparaison : dans nos démocraties occidentales stables et a priori transparentes, le secret et les intrigues entourant la santé de nos dirigeants ne sont pas rares. Imaginez alors ce qu’il peut en être dans un régime aussi pathologiquement fermé et maladivement martial que l’est la République populaire démocratique de Corée…
Trois ans après son ‘’installation » aux commandes de cette défiante nation, la légitimité de Kim Jong-un ne semble plus « a priori » trop se discuter en interne. Il s’agit du résultat d’une sévère série de purges, de mises à l’écart, de disparitions et de renouvellement de cadres, aussi bien dans l’armée, le parti des travailleurs que dans les services de renseignement. Cependant, ici encore, montrons-nous prudents : notre lisibilité sur ces sujets est réduite.
A l’opposé, cette absence pouvait-elle être simplement une stratégie de Kim Jong-un pour refaire parler de lui en Occident, mais d’une manière plus diplomatique et douce que d’habitude ?
Voici une thèse qui ne manque pas d’intérêt. Cela constituerait en effet un mode opératoire original, moins porteur de risque que de procéder à un nouvel essai nucléaire ou à de nouveaux tirs de missiles balistiques.
En ces temps récents de volonté -plus ou moins sincère, plus ou moins conjoncturelle- de relancer le dialogue avec la Corée du sud et de se montrer sous un jour moins belliqueux (à l’exception de quelques accrochages ici ou là), cette façon de faire aurait effectivement un certain sens. Il n’est toutefois pas certain qu’elle emporte tous les suffrages.
Un journal sud-coréen affirme qu’un chirurgien français a opéré Kim Jong-un. Qui peut être ce chirurgien ?
Je ne saurai vous dire. En revanche, par le passé -notamment pour Kim Jong-il-, ce sont notamment des praticiens français réputés, parmi une kyrielle de spécialistes européens, qui ont été sollicités à plusieurs reprises par Pyongyang pour venir au chevet des dirigeants nord-coréens.