Pologne : Ewa Kopacz, Première ministre sous l’influence de Donald Tusk ?
Nommée Première ministre après la désignation de Donald Tusk à la tête du Conseil européen, Ewa Kopacz, a gravi les échelons dans l’ombre de son prédécesseur. Un an avant les élections générales, cet ancien médecin au parcours brillant arrivera-t-elle a imposer une nouvelle politique et donner un souffle de renouveau au parti de droite Plateforme civique (PO), au pouvoir depuis sept ans ?
Ewa Kopacz a été nommée présidente du Conseil des ministres : une avancée pour la place des femmes sur la scène politique polonaise ?
C’est la deuxième fois qu’une femme est élue Première ministre en Pologne, depuis Hanna Suchocka à la tête du gouvernement polonais de 1992 à 1993. Aujourd’hui six femmes sont ministres – en comptant Ewa Kopacz – : une première en Pologne. Certes, c’est une avancée, mais les femmes ne sont pas encore assez présentes sur la scène politique : il y a seulement 13% de femmes au Sénat, et un quart à la Diète, la chambre basse du parlement.
La nouvelle Première ministre se positionnera-t-elle en faveur du droit des femmes ?
En effet, Ewa Kopacz devrait insister sur le droit des femmes. Elle a déjà pris position sur la question de l’avortement, encore très restreint en Pologne. Elle avait défendu le droit à l’avortement d’une jeune fille qui avait été violée, ce qui avait suscité une grande polémique à l’époque en Pologne.
Comment Ewa Kopacz est-elle perçue dans la société polonaise ?
Ewa Kopacz est assez respectée en Pologne. Son parcours est exemplaire. Elle vient d’une famille modeste : sa mère était couturière, son père serrurier. Après avoir été médecin, elle a été élue députée en 2001, puis a progressivement grimpé au sein du parti Plateforme Civique (PO) aux côtés de Donald Tusk, et dans les échelons administratifs en arrivant Ministre de la Santé en 2007. Elle a ainsi gravi les échelons dans la hiérarchie, mais toujours un peu dans l’ombre de l’ancien Premier ministre Donald Tusk. Elle était un peu sa protégée. Tout le monde en Pologne souligne sa loyauté jusqu’au point de dire que sa nomination tient plus à sa loyauté qu’à ses compétences. Le doute plane donc quant à ses réelles capacités à diriger la Pologne. Certains observateurs estiment qu’elle n’a pas le charisme suffisant, d’autant qu’elle souffre de la comparaison avec Donald Tusk, qui finit en apogée son mandat en devenant président du Conseil européen.
Selon vous, Ewa Kopacz va-t-elle rester encore sous l’influence de l’ancien Premier ministre, Donald Tusk, nommé à la présidence du Conseil européen ?
Même si c’est encore difficile à déterminer, la politique de ce nouveau gouvernement ne devrait pas tellement s’éloigner de l’héritage de Donald Tusk. Ewa Kopacz a tenu un discours de politique générale assez fort avec de nombreuses propositions. Elle s’est entourée d’anciens proches de Donald Tusk (même si une partie l’a suivi à Bruxelles) dont l’influence est encore présente. En revanche, il peut y avoir une inflexion dans la politique étrangère polonaise, avec le départ de Radoslaw Sikorski, ministre des affaires étrangères assez flamboyant, très actif sur la scène européenne depuis 2007. Ce dernier avait des idées très tranchées pas toujours en accord avec Donald Tusk et le président Komorowski. Radoslaw Sikorski était par exemple intraitable avec la Russie depuis l’affaire ukrainienne, contrairement au discours de politique générale d’Ewa Kopacz qui montre qu’elle souhaiterait être plus pragmatique avec la Russie.
Son parti la Plateforme civique a-t-il une chance de remporter les élections de 2015 ?
Au pouvoir depuis 2007, la Plateforme civique est un peu usée par le pouvoir. Les élections locales se déroulent dans trois mois, mais ce sont surtout les élections législatives et présidentielles en 2015 qui sont dans tous les esprits, comme l’a prouvé la tonalité de campagne de son discours. La nomination de Donald Tusk – le fondateur de la Plateforme civique – à Bruxelles a permis de faire remonter le parti dans les sondages. Les Polonais ont été fiers de voir leur Premier ministre nommée « Président de l’Europe », comme on le surnomme.
Si Ewa Kopacz ne commet pas d’erreur majeure ou ne polarise pas l’opinion publique, elle pourrait peut-être conduire son parti à la victoire, mais la route est encore longue. Elle doit convaincre la «majorité silencieuse », les citoyens qui ne se préoccupent pas de la politique, qui ne vote ni à droite, ni à gauche.
Quels sont les principaux défis qui attendent la nouvelle Première ministre polonaise ?
Au-delà des réformes concernant les familles, l’éducation, un défi de taille attend Ewa Kopacz : le défi ukrainien, qui préoccupe beaucoup les Polonais. Elle est favorable à une diplomatie plus pragmatique envers la Russie mais elle a tout de même déclaré qu’elle allait se battre pour qu’il y ait une présence militaire américaine en Pologne. Elle a également demandé à l’Union européenne d’aider les maraîchers polonais, victimes des sanctions appliquées contre la Russie. Gérer la transition en Ukraine ainsi que les relations avec la Russie font aujourd’hui partie de ses priorités