27.12.2024
1er tour de l’élection présidentielle brésilienne : quel bilan ?
Interview
6 octobre 2014
Cette campagne présidentielle a été marquée par deux orientations centrales. La première aura été celle de la nostalgie, le regret des années de croissance, plus de 4% par an de 2005 à 2010. La seconde reflétait la crainte de la frange la plus populaire des électeurs de voir les programmes sociaux bonifiés ou lancés sous la mandature de Lula da Silva être remis en cause par le futur président. La candidate ayant le mieux incarné cette défense des acquis sociaux est la présidente sortante Dilma Roussef. Tandis que le candidat le mieux identifié au retour à la croissance aura été le celui du Parti social-démocrate brésilien (PSDB) Aecio Neves. Le second tour va les opposer l’une à l’autre.
Marina Silva a été sortie de cette bataille électorale en raison de son ambiguïté programmatique, et d’une identité politique assez floue. En quelques années, elle a changé plusieurs fois d’affiliation partisane. Membre du PT, elle devient ministre de Lula. En 2009 elle quitte le PT, se présente aux présidentielles de 2010 comme candidate du parti Vert, formation qu’elle abandonne en 2011. A quelques mois de la consultation de 2014 elle tente sans y arriver de créer un nouveau parti qu’elle baptise Rede, réseau. Ayant échoué à mener ce projet à bon port électoral avant la votation, elle rejoint le PSB (le Parti socialiste brésilien). Devenue candidate du PSB après la mort dramatique de celui qui en défendait les couleurs, Eduardo Campos, elle bénéficie d’un large préjugé favorable. Les sondages la placent en pole position. Après son ascension fulgurante dans les sondages, elle s’est retrouvée acculée par ses concurrents du PT (parti de la présidente sortante) et du PSDB. Il est vrai que ses sympathies religieuses, évangélistes, l’avaient contrainte à retirer de son programme, un projet sanctionnant l’homophobie. Faute d’un positionnement clair, elle a ajouté d’autres faux pas, tout aussi publics à celui-là. L’un concernait l’énergie nucléaire, qu’elle envisageait de valider et l’autre la politique économique qu’elle voulait libéraliser. Ces propositions ont brouillé son image d’écologiste progressiste. Qui plus est faute d’un parti important pour la soutenir, ce qui n’était pas le cas de ses deux rivaux appuyés sur les appareils des principaux partis du pays, sa position s’est érodée au fil des jours.
Dilma Roussef peut-elle réussir à se faire réélire malgré les scandales de corruption pesant sur son parti ?
Il est important de noter que l’enjeu principal de ces élections n’a pas porté sur l’éthique mais principalement sur l’économie, le social et (un peu moins) la sécurité. On a ainsi pu observer une forte inquiétude des classes populaires au sujet de la pérennisation des programmes sociaux par le futur chef de gouvernement. A l’opposé, les classes moyennes, qui ne bénéficient pas des programmes sociaux à la différence des franges les plus défavorisées de la population mais contribuent à les financer via leurs impôts, réclament elles le retour de la croissance, qui leur permettait il y a quelques années d’améliorer régulièrement leur niveau de vie. Les manifestations de masse de l’an dernier menées par les étudiants issus des classes moyennes, dans le sud du pays, dans la région de Saint-Paul, ont témoigné de cette insatisfaction. Les électeurs du PSDB ont exprimé leur attente d’une autre politique économique, une politique qui leur soit plus favorable.
D’ici le second tour, les candidats restés en lice vont se concentrer sur deux enjeux majeurs. Il leur faudra capter les indécis. Si l’on tient compte des bulletins blancs et nuls, ils représentent en effet près de 10% des exprimés. Ils doivent d’autre part gagner les faveurs des électeurs de Marina Silva, qui a obtenu près de 22% des suffrages. Pour la présidente sortante Dilma Roussef, cela passera par sa capacité à convaincre les classes moyennes qu’elle est capable de relancer la croissance. Aecio Neves devra, lui, rassurer les électeurs des classes populaires qu’en aucun cas il ne va remettre en question les acquis sociaux obtenus ces dernières années.
Quels sont les enjeux du prochain président du Brésil ?
Quel que soit le président élu à la suite du second tour, organisé le 26 octobre prochain, son défi essentiel sera de retrouver le chemin de la croissance. En effet, sur la période s’étalant de 2005 à 2010, la croissance moyenne s’est élevée à près de 4%. Elle a chuté depuis aux alentours de 2% et même en dessous de 1% en 2014. Un tel ralentissement de l’économie et de la croissance ne peut que générer de profondes insatisfactions sociales. Deux modèles, chacun défendu par un candidat (tous deux économistes de formation), sont proposés aux électeurs : Aecio Neves est convaincu que le retour de la prospérité passe par la libéralisation de l’économie. Dilma Roussef défend, elle, un modèle privilégiant le capitalisme d’Etat. Quel que soit le modèle économique in fine sélectionné par les électeurs à la fin du mois d’octobre, il est clair que le vainqueur aura une obligation de résultat, sous peine d’être sanctionné dans quatre ans par les Brésiliens en âge de voter.