ANALYSES

Peut-on encore relancer la croissance en Europe ?

Presse
10 juillet 2010
Sylvie Matelly - Contre-feux.com
La croissance européenne est plus faible que celle du reste du monde depuis 20 ans. Si les crises économiques y étaient plus modérées, cela serait moins inquiétant. Or tel n’est pas le cas. Que peut-on encore faire pour tenter d’y remédier ?

Voilà plus de 20 ans que la croissance économique est structurellement plus faible en Europe que dans le reste du monde. En soi, cela serait peu inquiétant si les crises et récessions étaient également plus modérées. En effet, l’Union européenne pourrait être une région moins inégalitaire et plus solidaire que le reste du Monde où les pays récemment intégrés connaitraient un certain dynamisme leur permettant d’entrevoir un rattrapage économique rapide  et où le modèle social permettrait à chacun de vivre décemment, d’avoir accès aux soins et à l’éducation… C’est en tout les cas ce que nos décideurs nous ont "vendu" pendant des années pour justifier cette croissance qu’ils qualifiaient souvent de "molle".

Mais voilà, cette justification se heurte aujourd’hui à plusieurs contradictions et surtout elle masque mal les risques à venir quant à l’évolution de la situation économique en Europe.

 Première contradiction, si le modèle européen réduit le niveau de la croissance économique, c’est qu’il est une sorte d’amortisseur, favorisant une meilleure répartition des ressources  au risque de pénaliser l’initiative et l’investissement (point négatif) mais aussi la spéculation (point positif). Il devrait alors amortir les chocs négatifs. Or, ce ne fut jamais le cas : les crises économiques ont depuis 30 ans toujours été plus profondes et plus longues en Europe que dans le reste du Monde. Elles ont d’ailleurs incité nos dirigeants à progressivement affaiblir ce modèle social et à libéraliser (deuxième contradiction), sans pour autant parvenir à réduire la dépense publique, les déficits et les dettes (troisième contradiction) et on peut même dire sans réellement respecter les traités qu’ils avaient signés et pour lesquels ils avaient engagé leurs pays (quatrième contradiction).

La réalisation de l’euro a participé à cette mascarade

 

Chacun des pays profitant des faiblesses des règles adoptées pour tirer profit de la monnaie unique, chacun, Allemagne, Grèce, Espagne, France et les autres, a joué le passager clandestin de la monnaie unique : les uns pour s’endetter à outrance, d’autres pour mener des politiques coûteuses et creuser ainsi ses déficits (allant de ce fait à l’encontre du pacte de stabilité pourtant ratifié par tous), d’autres encore pour accroître ses exportations.

 

Il a alors suffit d’une crise pour que le monde entier se rende compte de ces contradictions.

Plus rapides que les autres pour évaluer les risques, les agences de notation ont très vite pris toute la mesure du problème, ce fut le déclenchement de la crise grecque. Où en est-on aujourd’hui ? Face aux risques de voir leurs notes dégradées, la plupart des pays européens ont annoncé des politiques d’austérité sans précédent supposées permettre de restaurer la confiance des investisseurs et la soutenabilité de la dette publique. Certes, il arrive un moment où la situation des finances publiques est telle qu’elle pénalise les perspectives économiques. Ces décisions font toutefois peser un risque majeur sur la croissance économique.

Or, sans croissance, point d’investisseurs ni de rentrée fiscale. La croissance économique repose en effet sur plusieurs facteurs, d’offre et de demande : la consommation, l’exportation et l’investissement. L’austérité pénalisant la consommation et l’investissement, seules les exportations pourraient sauver la croissance mais exporter où ? A qui ? Pense-t-on que pour sauver un si beau projet que le projet européen, les Américains ou les Chinois vont accepter une revalorisation de leur monnaie pour accroître le pouvoir d’achat de leurs populations ? Rien n’est moins sûr (c’est même probablement l’inverse qui pourrait se produire) et les Européens ne doivent, au moins dans un premier temps, ne compter que sur eux-mêmes.

Quelles mesures donc ? Plusieurs niveaux sont à distinguer

Au niveau européen, la banque centrale européenne a déjà beaucoup évolué par rapport à sa politique et à sa doctrine d’avant la crise en acceptant de racheter de la dette publique. Le choix du prochain directeur sera de ce point de vue déterminant, un retour de l’orthodoxie monétaire serait certainement une mauvaise nouvelle. Du coté des Etats européens, quelles que soient les mesures adoptées pour renforcer la zone euro ou l’Union européenne, elles ne porteront des avancées positives que si, enfin, les Etats respectent leurs engagements en toute loyauté et transparence.

Au niveau national enfin, les politiques menées devront tenter de pénaliser le moins possible la croissance économique et les deux facteurs que sont l’investissement et la consommation. On nous dit que cela est impossible, un peu d’imagination, d’autres pays l’ont réussi avant nous par le passé : les Etats-Unis à l’époque de Bill Clinton, le Canada ou la Suède. Plus que de l’imagination, c’est du volontarisme politique qui sera nécessaire pour réduire les dépenses "improductives" c’est à dire ne générant ni consommation, ni investissement mais procurant des rentes et des avantages particuliers d’autant plus choquants après une crise économique dévastatrice.
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