«En Afghanistan, les ambitions ont été revues à la baisse»
Fraudes et attentats meurtriers ont entouré les élections législatives afghanes de samedi. Interrogé par Nouvelobs.com, Karim Pakzad, chercheur de l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), analyse la situation.
Je pense que l’Onu a bien décrit la situation en parlant de "succès mitigé". Car les élections sont toujours une bonne chose : c’est un exercice d’apprentissage de la démocratie. Mais on ne peut pas parler de succès avec de telles fraudes.
Certes, mais ce n’est pas cela qui importe vraiment. Les attentats ne sont pas une surprise dans un pays comme l’Afghanistan. Ce qui l’est plus, c’est la façon dont les Occidentaux ont géré ces élections. Contrairement à la présidentielle qui avait occupé le devant de l’actualité, cette fois, peu en ont parlé. Ni les Etats-Unis, ni les pays européens n’ont d’ailleurs envoyé d’observateurs.
Avec l’élection d’Hamid Karzaï, les Occidentaux ont subi un traumatisme : ils ont été obligés de cautionner une élection clairement frauduleuse. Depuis, une lassitude s’est installée vis-à-vis du processus de démocratisation en Afghanistan. Les Occidentaux ont perdu leur vision triomphaliste : ils font profil bas. Pour preuve, la position des chancelleries était déjà prête avant même que les élections aient lieu. Et l’argumentaire était le même pour toutes : il y a eu des fraudes, certes, mais les élections ont tout de même eu lieu. Les ambitions ont été revues à la baisse.
Tout à fait. La justification de l’engagement militaire en Afghanistan était basée sur deux axes : l’installation d’un régime démocratique et la lutte contre le terrorisme. Or, Hamid Karzaï est loin d’être l’émanation de la représentation démocratique. Quant à la lutte contre le terrorisme, c’est un échec total. Cela fait déjà quelques années que les chercheurs affirment l’échec de la solution militaire face aux talibans. Aujourd’hui, même l’OTAN a accepté que la solution politique était la seule option. Or, la solution politique, c’est réconcilier le régime corrompu de Kaboul avec les insurgés talibans qui sont en position de force.
Pas vraiment en effet. Mais tout de même, dans l’optique d’un processus de négociation avec les talibans, Karzaï a tout intérêt à disposer d’un Parlement obéissant. Et je pense que ce sera le cas. Le nouveau Parlement devrait sans surprise être plus proche de lui. En effet, le Parlement sortant a été élu en 2005 et la situation était très différente. Des députés laïcs avaient même pu entrer. Cette fois, tout le monde reconnaît que la pression des milieux gouvernementaux comme des talibans a été plus forte sur la population