Les Républicains, c’est qui ?
Barack Obama va connaître son premier vrai revers politique à l’occasion des élections mi-mandat. Un revers que certains qualifient déjà de débâcle ou de désaveu, deux ans après son élection triomphale. On verra après les dépouillements si ces prédictions se sont avérées fondées, et on verra surtout dans quelle mesure les Républicains seront parvenus à retrouver une place au Congrès.
Car depuis deux ans, les Démocrates contrôlent tout, et le Grand Old Party s’attaque à une véritable montagne en visant une victoire à Capitol Hill. Les Républicains doivent ainsi s’imposer dans 39 circonscriptions actuellement détenues par des démocrates pour obtenir la majorité à la Chambre. Il leur faut aussi conquérir dix sièges de sénateurs actuellement démocrates pour s’assurer de la majorité au Congrès. Mais un tel défi pourrait bien être relevé. Les politologues s’attendent même à ce que plus de 50 sièges de la Chambre des représentants basculent dans le camp républicain. Au Sénat, s’ils veulent obtenir la majorité, les Républicains devront l’emporter dans six des sept élections les plus serrées (Californie, Etat de Washington, Nevada, Colorado, Pennsylvanie, Illinois et Virginie-Occidentale). Là aussi, tout est possible, même s’il sera difficile de voir la majorité du Sénat basculer au lendemain de cette élection.
De la même manière, il ne faut pas exclure un sursaut de dernière minute des Démocrates, grâce à une mobilisation des électeurs plus forte que prévue, résultat de l’entrée en campagne du Président lui-même au cours des dernières semaines. Les multiples interventions de Barack Obama pourraient permettre à son parti de sauver sa majorité au Sénat et peut-être même, bien que cela semble nettement plus délicat, à la Chambre des représentants. Dans un sens comme dans l’autre, tous les scénarios sont possibles, et cette élection est finalement plus indécise qu’elle ne semblait l’être il y a encore quelques semaines.
Reste que, quel que soit le résultat, les Républicains sont de retour deux ans après leur déroute totale (rappelons ici que parallèlement à la victoire d’Obama, les Démocrates se sont dotés d’une solide majorité dans les deux chambres). D’où de multiples interrogations, notamment en ce qui concerne les raisons de ce retour. Les Républicains se sont-ils refait une santé après 2008 ? Proposent-ils aux Américains une alternative à Obama ? Un programme politique bien ficelé et qui peut répondre aux nombreux défis, notamment économiques et sociaux ? Sont-ils unis derrière un leader charismatique, qui les emmènera vers la victoire en 2012 ? A toutes ces questions, et même en cherchant bien, nous ne pouvons que répondre que par la négative :
– Cette élection ne permet pas de tirer des enseignements politiques trop hâtifs. Les élections mi-mandat sont quasiment à tous les coups un vote sanction contre l’administration en place. Seul George W. Bush en 2002 a fait exception depuis vingt ans, dans un contexte pour le moins particulier. Mais on se souvient de la vague conservatrice qui a balayé Bill Clinton en 1994 et de la débâcle des Républicains en 1982, deux ans après l’élection de Ronald Reagan et le retour du Grand Old Party au pouvoir. Dans les deux cas, le président en place a été confortablement réélu deux ans plus tard. Il y a donc une sorte de constance dans les élections mi-mandat, que l’on va retrouver encore cette fois. De même, l’avance des démocrates est telle dans les deux chambres à l’heure actuelle qu’il leur est mathématiquement quasi impossible de gagner du terrain. Dès l’arrivée au pouvoir de Barack Obama en janvier 2009 on pouvait donc s’attendre à un recul des Démocrates à l’occasion de cette élection, et c’est bien ce qui va se produire. Pas de grande surprise donc, à moins bien sûr que la victoire des Républicains soit totale, et leur permette de contrôler les deux chambres avec une majorité confortable. Mais cela est très peu probable, en particulier au Sénat, où la prise de la majorité serait déjà un évènement historique.
– Quel que soit le résultat de cette élection, elle se joue avant tout au niveau local, et n’est pas un scrutin national. L’une des caractéristiques des électeurs démocrates jurant de ne pas voter ou même dans certains cas de soutenir le candidat républicain, qui furent interrogés au cours des dernières semaines, figure dans leur volonté de ne pas assimiler cette élection à celle de 2008. En refusant de se mobiliser, ces électeurs veulent envoyer un message à Barack Obama, afin que ce dernier puisse tenir compte de leur frustration (voilà le terme qui est le plus souvent revenu dans les discours du président américain ces derniers jours, et ce n’est pas un hasard) en vue de la prochaine élection présidentielle. En d’autres termes, de nombreux Américains qui ont soutenu Obama ne considèrent pas que cette élection est primordiale, et se tournent déjà vers 2012. C’est donc au niveau local que les Républicains sont parvenus à mobiliser, avec des budgets de campagne considérables, des soutiens massifs (on pense notamment à Rupert Murdoch qui a offert un milliard de dollars à l’association des gouverneurs républicains, pas un centime aux démocrates), et des slogans qui font mouche, parce qu’ils touchent les électeurs dans leur quotidien. Les conservateurs qui mobilisent sur le thème du chômage, voilà qui pourrait faire sourire, mais c’est bien ce que les Républicains sont parvenus à faire.
– Les Républicains n’ont pas proposé de véritable programme politique dans cette campagne. En dehors du rejet du Big government, est des critiques adressées à l’administration Obama dans sa gestion des dépenses publiques (un moyen détourné de critiquer l’adoption de la réforme du système d’assurance-maladie), le Grand Old Party n’a absolument rien à proposer dans cette campagne, qui est certainement l’une des plus creuses de ces dernières années. Or, si on peut remporter une élection en s’appuyant sur le rejet de l’adversaire, que faire une fois qu’on se retrouve au pouvoir ? En cas de victoire et de contrôle d’au moins une des deux chambres du Congrès, les Républicains se retrouveront dans une situation délicate : ils devront formuler de réelles propositions politiques.
– Enfin, et peut-être surtout, les Républicains n’ont pas de leader. Là est sans doute le point le plus inquiétant pour les conservateurs américains. Aucun leader digne de ce nom, et capable de rassembler l’ensemble des sensibilités du parti, n’est parvenu à se dégager depuis deux ans. Et un peu comme le point précédent, si on peut gagner une élection sans leader, on ne peut pas gouverner correctement ensuite. En cas de victoire, les Républicains risquent ainsi de dévoiler au grand jour leurs divisions, et leur incapacité à se regrouper derrière un chef de file. Certains diront que la victoire suscite des vocations, et que certains émergeront de ce vote, et ils n’ont pas entièrement tort. Mais ces leaders autoproclamés seront-ils capables de rassembler l’ensemble du parti derrière leur personne ? Rien n’est moins sûr.
Finalement, au-delà du résultat, on pourrait surtout se souvenir de cette élection comme d’un déferlement de haine indigne de la part de certains candidats républicains (en référence aux multiples injures adressées à Barack Obama, et qui n’ont rien à voir avec de la politique), et de l’empoisonnement des thèmes de campagnes orchestré de manière systématique par le Tea Party, mouvement radical sans programme et incapable de proposer une gouvernance acceptable, qui se voit déjà aux commandes du parti républicain, et se projette avec la candidature de son égérie, Sarah Palin, à l’élection présidentielle de 2012. Les Républicains choisiront leur candidat comme ils le souhaitent, et tout est bien entendu possible, mais la seule certitude à ce stade est qu’avec une candidate de ce calibre, ils devront encore patienter au moins quatre ans de plus pour l’alternance politique à la Maison-Blanche. Ainsi, s’il est comme nous l’avons vu bien difficile de répondre à la question posée dans le titre de cet article, on peut en revanche espérer, pour eux surtout, que les Républicains ne sont pas Sarah Palin !
En bref, on voudrait presque dire amicalement aux Républicains : « ne soyez pas trop pressés de revenir aux affaires ». Dans certaines circonstances, et face à des défis difficiles, il est parfois plus confortable de rester dans l’opposition.