«La diplomatie du chéquier ne fait pas avancer la démocratie»
Le président chinois Hu Jintao est en visite en France ce jeudi. Il sera beaucoup question d’économie et de contrats, et très peu de Droits de l’Homme. L’analyse de Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques).
La France a une réelle fascination pour la Chine, et ne sait jamais trop sur quel pied danser, ce qui explique ses volte-faces diplomatiques fréquentes. Pour ne mentionner que lui, Nicolas Sarkozy a commencé sur une ligne dure, en menaçant de boycotter la cérémonie d’ouverture des Jeux olympiques en 2008 puis en serrant la main au dalaï-lama. Depuis deux ans, il s’est ravisé pour des raisons économiques, mais aussi parce que la Chine, en manipulant des personnalités comme Alain Peyrefitte hier ou Jean-Pierre Raffarin aujourd’hui, a toujours su se présenter comme un pays à qui il faut obéir.
La Chine est évidemment un énorme marché dont il est difficile de se passer. Mais la diplomatie des contrats est souvent présentée de manière parcellaire. On annonce des chiffres mirobolants, sans dévoiler les modalités de ces contrats, gardées secrètes. Dans le passé, EDF a vendu des centrales nucléaires, mais les conditions des prêts accordés à la Chine étaient tellement avantageuses que le bilan global était négatif. Et à chaque fois qu’Airbus vend des avions, il doit en racheter un certain nombre d’anciens. Par ailleurs, à l’heure où Paris prend la présidence du G20, la Chine aussi a besoin de la France. En étant conciliante avec la Chine elle lui permet d’éviter de se retrouver face à une Europe unie et intransigeante sur des questions aussi cruciales que la monnaie ou la propriété industrielle.
Elle est sans doute compatible, même si Nicolas Sarkozy a soigneusement évité toute déclaration sur le Prix Nobel, qui aurait pû servir de prétexte à une annulation de la visite de Hu Jintao. Mais la diplomatie du chéquier ne fait pas avancer la cause démocratique. L’entrée de la Chine dans la mondialisation lui a permis de devenir un pays relativement riche, mais aussi un pays très inégalitaire. L’économie peut faire avancer la démocratie, si tout le monde bénéficie du développement. Ce n’est pas le cas en Chine où seul un quart de la population a réellement vu son niveau de vie progresser. Il reste un milliard de personnes très pauvres, pour qui la première des libertés c’est de manger et d’avoir un toit, pas de pouvoir s’exprimer.