G8 : « la seule solution est de s’entendre sur un Afghanistan non-aligné »
Pour le chercheur Karim Pakzad, les pays du G8 doivent associer les voisins iranien, indien et pakistanais pour assurer la stabilité et la neutralité du pays dans la région.
En partie seulement. Certes, Al-Qaïda est affaiblie et ses combattants se sont réduits à une centaine environ. Et de ce point de vue, il est difficile de justifier la guerre actuelle.
En revanche, l’organisation terroriste reste très présente à la frontière pakistanaise et se renforce de jour en jour, tout comme les forces combattantes talibanes qui compterait 30.000 hommes. Ces derniers sont déterminés à lutter contre les "envahisseurs étrangers" dans ce qu’ils considèrent comme une guerre de libération nationale.
On sait très bien que la mort de Ben Laden n’a aucune influence sur les talibans. Il n’existe plus de lien organique entre l’ancien chef d’Al-Qaïda et les talibans depuis longtemps. Au contraire, il a fait allégeance au chef suprême des talibans, le mollah Omar, dès son arrivée en Afghanistan en 1996. S’il y avait bien une relation, c’était une relation de soumission.
Ce serait effectivement un coup dur porté contre les talibans, mais cela ne changerait pas radicalement la donne. La solution n’est pas là.
La crise vient de l’intérieur et connaît plusieurs causes. D’abord, le pouvoir actuel à Kaboul est faible et se trouve confronté aux talibans soutenus dans l’ensemble par les Pachtounes, l’ethnie majoritaire en Afghanistan qui considère les talibans comme leurs représentants et qu’elle veut voir au pouvoir.
Ensuite, il y a le double jeu du Pakistan. Vous avez vu que Ben Laden s’était réfugié à quelques kilomètres de la capitale pakistanaise, Islamabad. Tout le monde sait aussi que le mollah Omar se trouve à Quetta dans la province du Baloutchistan au Pakistan. Islamabad soutient clairement une partie des talibans afghans.
Voilà pourquoi cette guerre s’est enlisée : parce qu’on n’a pas convaincu le Pakistan de lâcher les talibans.
Les Occidentaux hésitent entre différentes stratégies parce que la situation est complexe. On ne peut pas imposer au Pakistan une politique qui ne prend pas en compte ses intérêts. Les Etats-Unis veulent éliminer les talibans et donner du pouvoir au gouvernement Karzaï – corrompu par ailleurs – et allié de l’Inde, frère ennemi du Pakistan. Il faut se rappeler que l’Inde a octroyé dernièrement 500 millions de dollars à Kaboul auxquels s’ajoutent 2 milliards d’aides indiennes déjà versées depuis dix ans.
Par ailleurs, si les Pakistanais lâchent les talibans afghans, ces derniers se rallieront aux talibans pakistanais qui pourraient alors créer un pays qui rassemble les Pachtounes, le "Pachtounistan". La hantise des Pakistanais est de voir la mutilation, la séparation, voire la désintégration de leur pays. C’est pour cela que le Pakistan veut avoir un regard sur ce qui se passe en Afghanistan, sur les Pachtounes et donc sur les talibans.
Dans la situation actuelle, le gouvernement de Kaboul est incapable d’assurer la sécurité. Un retrait immédiat, c’est la chute de Kaboul dans les dix jours qui suivent et le retour des talibans au pouvoir.
L’Afghanistan, de par sa situation géographique a toujours été un pays tampon entre les différentes puissances de la région. Cette situation a toujours entraîné des tentatives de déstabilisation.
Le gouvernement de Kaboul négocie depuis quelques jours avec les Etats-Unis pour l’installation de trois bases militaires américaines permanentes en Afghanistan, même après un retrait.
Ni les talibans – avec qui il est pourtant impératif de négocier – ni l’Iran, ni la Chine, ni la Russie n’accepteront que les Américains s’installent durablement en Afghanistan ! On est entré dans un grand jeu géopolitique dans cette région où d’ailleurs la Chine est de plus en plus puissante et fait peur à l’Inde et aux Etats-Unis. Tant que les Occidentaux n’associeront pas les pays voisins comme l’Iran, la Russie, l’Inde et la Chine dans la recherche d’une solution, on n’arrivera pas à la paix.
La seule solution est de s’entendre sur un Afghanistan non-aligné qui ne menacerait aucun autre pays voisin. Les intérêts de chacun doivent être pris en compte pour trouver un consensus. Et si l’Afghanistan prend parti dans ce jeu en faveur de l’un ou de l’autre, il n’y aura jamais la paix.