Les révolutions arabes et la désoccidentalisation du monde
Les journées fatidiques qui ont vu en Tunisie, la chute d’un dictateur protégé et soutenu par l’Occident, marquent une nouvelle étape dans les relations entre le Nord et le Sud.
Européens et Américains ont construit leurs alliances avec des régimes arabes qui, les uns après les autres sont menacés ou en voie de disparition.
De cette nouvelle donne on peut d’ores et déjà tirer deux enseignements :
Les bouleversements en cours marque la fin de l’hégémonie américaine dans la région, née de la crie de Suez en 1956.
Ensuite elle nous rappelle, pour ceux qui doutaient encore, que l’histoire continue et qu’il n’y a pas de déterminisme culturel.
Les jeunes chômeurs de Casablanca, les classes moyennes urbanisées du Caire ou les paysans yéménites, expriment la même revendication. Non seulement ils sont revenus dans l’Histoire, mais ils l’ont écrite. Avec leurs référents culturels, leurs slogans (« dégage ») et une farouche détermination politique.
Ce vaste mouvement a rassemblé des couches sociales très différentes, animées par des intérêts, parfois divergents, mais agitées par des idées si familières à nos élites germanopratines. Qu’elles en restèrent sans voix.
Ces mobilisations auraient pu sonner comme un hommage, au Vieux Continent, à ses valeurs, à ses principes. Le peuple mobilisé, le peuple rassemblé, le peuple libéré, un petit air de 1789…
La France, refuse l’obstacle, elle n’a joué aucun rôle positif, elle n’est plus au centre du jeu. L’histoire retiendra que c’est à Tunis que s’est brisé le fil d’Ariane qui relie, depuis les conquêtes coloniales, le Maghreb à l’Europe. Toutefois il convient de souligner, que ces révolutions ne se font ni avec l’Occident, ni contre lui, signe d’un recul de son influence et de son déclin face à l’émergence de la puissance chinoise.
Au Maghreb comme au Moyen orient, en Afrique, comme en Asie du sud. Américains et Européens doivent composer avec une Chine conquérante
La Chine, qui n’a jamais eu de vocation expansionniste, impose plus qu’elle ne négocie sa place. Elle propose une vision désidéologisée de la mondialisation. La Chine ne vend pas de modèle culturel, elle assure sa position pour le demi-siècle à venir.
Un nouvel ordre mondial prend forme sous nos yeux, les Empires issus des guerres coloniales du 19è siècle sont affaiblis, mais ils ne disparaîtront pas.
Les Etats-Unis sous la férule de Barak Obama tentent de redéfinir une doctrine diplomatique.
L’Inde se cherche un rôle, mais ne semble pas avoir d’appétit stratégique.
Ce sont trois grands pôles géopolitiques qui émergent : Etats-Unis, Union Européenne et Chine. La Russie vaste pays en voie de dépeuplement, vit dans le souvenir de la puissance soviétique, sans avoir pu, depuis la dislocation de l’URSS, définir un projet viable.
La géopolitique du XXIè siècle ressemble au 1984 de George Orwell , si ce n’est que le découpage (Océania, Eurasia et Eastasia) est ici remplacé par un découpage Amérique, Europe et Chine.
Dans le monde entier Pékin déploie ses ingénieurs, ses hommes d’affaires, ses architectes ou ses ouvriers. En Afrique elle garantie son approvisionnement énergétique et réalise d’importants investissements dans le secteur de la finance.
En Amérique latine, au Canada, dans les Caraïbes, la Chine conclut des accords commerciaux et planifie sa sécurité alimentaire.
Si les économistes s’accordent à admettre que l’Europe constitue une attraction, qui attire dans son orbite des pays périphériques, elle reste politiquement très divisée.
Les Etats-Unis projette l’image de l » « Empire du Chaos » , et la période Bush n’a pas contribué à combler le fossé.
Dans le vaste marché géopolitique du siècle qui commence, ce sont les blocs régionaux, organisés ou en voie de l’être (Asie centrale, Afrique australe, Asie du sud, Moyen orient, Maghreb), qui détermineront l’influence de chacun des « Trois Grands ».
Ni la Chine, ni l’Union européenne ne reprendront le rôle de super-puissance des Etats-Unis.
Les trois puissances s’affronteront pour étendre leur influence. In fine dans ce vaste mouvement de redistribution géopolitique, c’es la Chine que l’histoire replace au milieu d’un nouveau jeu planétaire.
Les Tunisiens ont ouvert une brèche, ils ont montré une voie, elle n’est pas exclusive. L’Occident a mal interprété les aspirations populaires arabes. Une antienne marxiste assure que « la pratique est l’unique critère de vérification de la vérité ». Les nouvelles relations internationales qui se dessinent, ne peuvent déroger à ce principe.