«L’opposition à Poutine est encore plus anti-démocratique que lui»
Je ne pense pas. Certes, Parti communiste et Russie Juste montent en puissance, mais Vladimir Vladimirovitch Poutine reste de très loin l’homme politique préféré des Russes. Sa cote de popularité reste au-dessus de la barre des 60% d’opinions favorables. Certes, il y a quelques années, il était à 80% d’opinions favorables, mais il reste en moyenne à 61 % d’opinions favorables sur plus de onze années au pouvoir, un score tout à fait honorable.
Ensuite, il est erroné de comparer Vladimir Poutine à un dictateur arabe, car d’une part ce n’est pas un dictateur, et d’autres part, ces derniers ne jouissaient pas d’un tel soutien populaire. A cette aune là, on ne peut pas préjuger d’un tel sort pour Vladimir Poutine.
Tout simplement du fait de l’érosion due au temps, sans oublier celle due à l’exercice du pouvoir.
Russie Unie, et la faction politique qu’elle représente, est au pouvoir depuis fin 1999, soit douze années d’exercice politique… Quoi de plus naturel que l’effritement de certains élément du discours, qui désormais ne passent plus.
L’essoufflement de Russie Unie est donc un fait logique, le sort de toute formation politique restée aussi longtemps aux affaires. Je rappelle par ailleurs que Russi Unie a aussi traversé l’épreuve de la crise financière de 2008, et n’en est pas sorti indemne.
Je ne pense pas qu’une corrélation puisse être établie entre l’érosion de Russie Unie, et une possible non élection de Vladimir Poutine aux présidentielles russes de 2012. Il reste l’homme politique préféré des Russes. Et même si Russie Unie baisse dans les urnes, ce parti reste à 30% au-dessus de la deuxième formation politique du pays, à savoir le Parti communiste.
Russie Unie reste de très loin la première formation politique du pays, celle qui a le plus de moyens pour mener campagne. Ce qui ne présage évidemment pas d’une élection à venir difficile pour Vladimir Poutine.
Ce qui pourrait lui arriver de pire, c’est d’être mis en ballotage, mais par qui ? La question reste posée… A l’heure actuelle, il n’y pas de candidat alternatif. Je pense très honnêtement qu’il n’y a pas de possibilité pour Vladimir Poutine d’être mis en danger à la présidentielle prochaine.
Ce qui me frappe, c’est la manière dont est interprétée cette élection… Il serait question d’une montée en puissance de l’opposition, mais de quelle opposition parle-t-on ?
Les trois autres partis représentés à la Douma sont loin d’être démocratiques, au sens où l’on entend en Europe occidentale. Il ne faut donc pas s’imaginer que ce sont des forces progressistes :
– Russie Juste est plombée par un certain nombre d’affaires de corruption ;
– Le Parti libéral-démocrate de Russie, dirigé par Vladimir Jirinovski, est ultranationaliste ;
– Le Parti communiste a, lui, des dizaines de millions de morts sur la conscience.
L’opposition politique n’est donc pas une référence, et il n’est pas certain que les Russes gagneraient au change si Russie Unie perdait la préférence populaire.
Quant aux libéraux, qui ont des valeurs semblables à celles de l’Union européenne, à savoir l’économie de marché et la démocratie, ils ne font que 3% des voix. Les opposants se rapprochant des valeurs les plus proches des nôtres ne représentent donc qu’une partie infime de l’électorat.
Il faut donc souligner que la montée en puissance de l’opposition n’est pas nécessairement constructive, ni même agréable à constater.
Il est vrai qu’il y a un tassement de la participation électorale, car 60 % du corps électoral participant aux législatives, c’est trois points de moins qu’aux précédentes législatives. Mais cela signifie aussi qu’il y a une vie démocratique certaine en Russie.
Certes, cela sous-entend 40% d’abstentionnisme… et du "bourrage" d’urnes, mais personne ne sait dans quelle mesure. De là à affirmer que sans fraudes électorales, le taux de 60% de participation n’aurait jamais été atteint, c’est autre chose…
En définitive, je ne pense pas qu’il y ait une désaffection du peuple russe vis à vis de Vladimir Poutine, mais simplement une désaffection envers la politique en général. Un phénomène comparable avec celui qu’on connaît en Europe et en France.