De Kyoto à Durban : le bricolage de la lutte contre le réchauffement climatique
Le Canada s’est retiré lundi du protocole de Kyoto sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre, affirmant que cet accord "ne fonctionnait pas" et que la "plateforme de Durban" représentait l’avenir. Du chemin reste encore à parcourir, et le futur climatique semble parsemé d’embûches…
Le protocole de Kyoto a été signé en 1997 dans le cadre de la Convention Climat, tout comme les récents accords de Durban. Il engage les pays signataires au travers deux volets :
– « Atténuation », les engagements pour la réduction des émissions de gaz à effet de serre (GES) ;
– « Adaptation », les moyens pour financer les modes d’un développement durable.
Suite à cette signature, les États-Unis ne l’ont jamais ratifié et se sont finalement retirés en 2001. Ce protocole n’est entré en vigueur qu’en 2005, du fait du long processus de ratification, propre aux accords juridiques internationaux. Les engagements visés pour la réduction des émissions de GES concernaient dans un premier temps la période 2008-2012. Ce qui se négociait à Durban et, et qui est sur la table depuis déjà un certain nombre d’années, est la prochaine période d’engagement au-delà de 2012 pour laquelle aucun objectif chiffré n’a encore été fixé.
En réalité, c’était un point de tensions, puisque dès l’année dernière au sommet de Cancún, des pays comme la Russie, le Japon et le Canada avaient fait savoir qu’ils ne souhaitaient pas s’engager sur de nouveaux objectifs chiffrés, en particulier tant que des pays pollueurs comme les États-Unis, la Chine et l’Inde ne s’engageaient pas eux-mêmes sur des réductions concrètes. Dans ce cadre, les pays précités ne voyaient pas la raison de prendre seuls des engagements contraignants.
Les pays en voie de développement tiennent beaucoup au protocole de Kyoto, car c’est justement le seul acte juridiquement contraignant.
En définitive, le protocole de Kyoto a été un non-sujet : rien n’a été décidé. Il a simplement été évoqué la nécessité de reconduire un certain nombre d’engagements chiffrés pour la période à venir après 2012…
Ce qui a été décidé à Durban relève pour l’instant de la bonne intention, et est aujourd’hui majoritairement porté par l’Union européenne. Il s’agit de réfléchir à un accord global à portée légale, qui pourrait être mis en œuvre à partir de 2015, et entrerait en vigueur à partir de 2020. A la différence du protocole de Kyoto, cet accord global fixerait des objectifs de réduction des émissions de GES pour les principaux États pollueurs, tout en incluant les pays émergents.
Au lieu d’avoir un protocole qui n’engage que quelques pays représentant un faible pourcentage des émissions mondiales de GES, nous aurions donc un accord global où tout le monde serait contraint.
On peut toutefois s’interroger sur l’horizon visé. Depuis trois ans, les négociations sont dans l’impasse, et ont peu de chances d’évoluer à court terme. Et l’échéance fixée à 2015 pour un accord global reste lointaine. Il y a effectivement un semblant d’accord sur le principe d’un accord « légal », et notamment par des pays habituellement très sceptiques sur toute forme de contrainte juridique internationale (comme la Chine ou les États-Unis), néanmoins ce consensus sur le principe est encore fragile.. Il est très – voire trop – tôt pour se prononcer sur la poursuite effective de cette dynamique et la faisabilité de cet accord, l’Inde notamment ayant insisté pour maintenir un certain flou sémantique autour des termes de l’accord.
Pour résumer, les pays signataires de l’accord évoquent un nouvel instrument légal, sans avoir véritablement trouvé de solution.
Le retrait du Canada n’est pas une surprise. L’annonce a été faite au lendemain de la clôture des deux semaines de conférence. Pourquoi avoir annoncé leur retrait de Kyoto après le sommet de Durban ? Pour pouvoir malgré tout laisser entendre un sentiment d’accord à Durban.
Dans le cadre des objectifs fixés par le protocole de Kyoto, le Canada n’a pas tenu ses engagements sur la première période. Compte tenu de ses impératifs économiques, le Canada n’est pas en mesure d’apporter de certitude sur ses réductions d’émission de GES à venir.
Le Canada s’est fait pendant plusieurs années le chantre du multilatéralisme sur divers dossiers : conceptualisation des opérations de maintien de la paix, enjeux de sécurité humaine, etc., jouant ainsi un rôle moteur dans la promotion du multilatéralisme. On ne peut que déplorer que cette posture ne se prolonge pas aujourd’hui dans le domaine de la lutte contre le changement climatique.
La Russie et le Japon pourraient suivre l’exemple canadien. Il faudra voir dans les mois qui viennent. Ces deux pays, qui étaient à l’initiative avec le Canada du rejet de Kyoto dès le sommet de Cancun l’an dernier, pourraient effectivement adopter la même posture. Reste à savoir quel serait l’intérêt des gouvernements russe et japonais à se prononcer sur cette question dès aujourd’hui.
Dans cette logique, le protocole de Kyoto ne serait donc porté que par l’Union européenne, la Norvège et la Suisse. Quant aux objectifs chiffrés envisagés, le sujet n’a pas été abordé à Durban, et les décisions à nouveau reportées à la prochaine conférence annuelle de la Convention Climat, qui en 2012 se déroulera à Doha.
Difficile de tenir d’un côté le discours de l’urgence climatique, repris par de nombreux politiques, et dans le même temps de ne pas chercher de solutions alternatives pour y répondre. Cette réflexion peut être associée à celle de la lutte contre le réchauffement climatique, soit le développement de stratégies énergétiques alternatives à long terme. Ces questions, plus consensuelles et répondant à des préoccupations réelles face à l’épuisement des énergies fossiles, pourraient peut-être permettre d’engager une véritable dynamique de coopération.
Reste que Durban témoigne d’une autre réalité. Au lieu de servir de lieu de réflexion sur les modes d’engagement contre le changement climatique, les sommets pour le climat deviennent l’endroit privilégié de la défense des intérêts étatiques et de leurs modèles économiques.