Capacités militaires : l’UE commence à décoller, 13 ans après Saint-Malo
Il y a tout juste 13 ans le sommet franco-britannique de Saint-Malo du 4 décembre 1998 marquait l’acte de naissance de la vision moderne de l’Europe de la défense. Ce sommet bilatéral se traduisait par l’adoption d’une " déclaration commune sur la défense européenne " appelant l’Union : "à avoir une capacité autonome d’action, appuyée sur des forces militaires crédibles, avec les moyens de les utiliser et en étant prête à le faire afin de répondre aux crises internationales". Cela nécessitait des capacités militaires significatives. En 1999, lors du Conseil européen d’Helsinki, un objectif clair et réaliste était affiché, le « Helsinki Headline Goal »: l’Union devait être capable de déployer à l’étranger 60 000 hommes en 60 jours pour une durée d’un an.
Depuis, une analyse détaillée des besoins sous la forme d’un catalogue de capacités a fait apparaître des déficiences dans 64 domaines comme les bombes intelligentes, le système de commandement intégré, le C4ISR (commandement, contrôle, communications, ordinateurs, renseignement, surveillance et reconnaissance), ou encore le transport stratégique. Sur ce dernier point, les capacités de déploiement des troupes européennes sont préoccupantes. Bien que les pays de l’UE aient 1,61 million de militaires en 2010, elles ne peuvent envoyer à l’étranger qu’environ 10 à 15 %. Sur cet effectif déployable, 40 à 50 000 peuvent être "utilisés" pour des opérations de rétablissement de la paix ou des missions de moyenne à haute intensité du type de celle menée actuellement en Irak ou en Afghanistan.
Face à ces problèmes, la création de l’Agence européenne de défense (AED), lancée fin 2003, avait pour but de mobiliser les Etats au service de ces objectifs capacitaires en créant une véritable agence des capacités et de l’armement. Elle n’a pas encore donné les résultats attendus, faute d’une véritable mobilisation des Etats membres, mais la situation a évolué récemment comme on le verra plus loin. Le lancement des groupements tactiques 1500 (GT 1500 ou EU Battle Groups), résultat d’une autre initiative du ministre français de la défense, Michèle Alliot-Marie, lancée en juin 2004, a permis de renforcer la capacité de réponse immédiate de l’Union par la mise en place de forces de réaction rapide de 1500 hommes disponibles en permanence par rotation pour réagir aux crises. Mais ces derniers n’ont jamais été utilisés.
La Présidence française de l’Union européenne avait donc fait au deuxième semestre 2008 une priorité du renforcement des capacités militaires pour résoudre les principales lacunes capacitaires identifiées à travers un " Plan de développement des capacités " et a pris plusieurs initiatives concrètes dans des domaines variés : comme la projection des forces avec le développement d’une flotte européenne de transport aérien et la volonté de créer une unité multinationale A400M, les moyens héliportés comme le renforcement des moyens d’information et de communication.
Le Conseil européen des 11 et 12 décembre 2008 a également réaffirmé avec précision le niveau d’ambition militaire de l’Union : L’Europe devrait être effectivement capable, dans les années à venir, dans le cadre du niveau d’ambition fixé, notamment de déploiement de 60 000 hommes en 60 jours pour une opération majeure, dans la gamme d’opérations prévues dans l’objectif global 2010 et dans l’objectif global civil 2010, de planifier et de conduire simultanément:
deux opérations importantes de stabilisation et de reconstruction, avec une composante civile adaptée, soutenue par un maximum de 10 000 hommes pendant au moins 2 ans ;
deux opérations de réponse rapide d’une durée limitée utilisant notamment les groupements tactiques de l’UE"… Parmi ces objectifs, nombreux n’ont pas été réalisés à l’heure actuelle.
En réalité, en matière capacitaire, les résultats là encore ne sont pas à la hauteur des espérances formulées par la France. En effet, Paris avait pensé que la réintégration de la France dans le commandement militaire intégré de l’OTAN en 2009 permettrait de promouvoir plus facilement l’Europe de la défense, en donnant en quelque sorte une garantie aux pays les plus atlantistes qu’il n’y aurait ni duplication des moyens otaniens, ni éloignement d’une Alliance atlantique jugée vitale par de nombreux pays comptant sur le parapluie militaire des Etats-Unis pour assurer leur sécurité.
Il n’en a rien été et Paris a joué la carte franco-britannique, laissant – temporairement – de côté l’Europe de la défense. Le chef de l’Etat voit une grande "cohérence" entre la réintégration de la France dans l’OTAN, une meilleure coordination des efforts entre Britanniques et Français, et le "renforcement de la place de l’Europe dans l’OTAN".
Le sommet franco-britannique de Lancaster House du 2 novembre 2010 a conduit à un accord de coopération militaire très étendu, y compris dans des domaines de souveraineté comme l’arme nucléaire. Cette coopération s’est manifestée de mars à octobre 2011 dans le conflit libyen du 19 mars au 31 octobre 2011. Mais La crise libyenne a montré les faiblesses des deux principales puissances européennes en particulier et de l’Union européenne en général. Ce conflit a mis en évidence les limites des capacités d’intervention de Paris et de Londres.
L’opération a donc mis en lumière les besoins et les manques criants dans certains secteurs, notamment en matière de munitions de précision, de renseignement, de reconnaissance et de surveillance – les drones d’observation américains ont joué un rôle important, de même que leurs drones Predator qui ont frappé avec leurs missiles les forces Kadhafistes -, et de ravitaillement en vol. 80 % de celui-ci a été assuré par des avions ravitailleurs américains. Mais aussi le faible nombre d’avions de combats mobilisable. De plus, si l’opération est un succès sur le plan opérationnel, elle est un échec politique pour l’Europe.
La crise a aussi montré que l’Europe de la défense n’existait pas ou très peu. Seuls 6 pays européens sur 27 (Belgique, Danemark, France, Italie, Norvège et Royaume-Uni) ont participé aux frappes aériennes en Libye. Alors qu’on parle régulièrement du couple franco-allemand, en réalité c’est le couple franco-britannique qui a été le moteur de l’intervention et leurs avions et hélicoptères ont réalisé plus de 80 % des missions d’appui au sol et d’interdiction du ciel libyen à l’aviation Kadhafiste.
L’Europe de la défense a bel et bien été en partie mise de côté, la responsabilité en incombe aussi aux pays de l’UE et à la Haute représentante de l’UE pour la politique, Catherine Ashton, qui a dès le début de la crise appelé l’Union à "rester neutre" dans ce conflit.
Toutefois la volonté sous la présidence polonaise de l’Union au 2er semestre 2011 de parvenir à des progrès importants en matière capacitaire a donné des résultats intéressants.
La réunion du conseil d’administration de l’Agence européenne de défense réunie en format ministres de la défense, le 30 novembre 2011, a été l’occasion de passer au concret et de tester les différents ministres de leur volonté de s’engager sur des projets. L’enjeu de ce Conseil, comme l’explique Claude-France Arnould, la directrice exécutive de l’Agence, dans un entretien avec Bruxelles 2, blog bruxellois spécialiste des questions de PSDC (Politique de sécurité et de défense communes) (1), est "d’avoir des engagements des Etats membres sur des projets précis". On n’est plus dans "les mots mais dans des actions concrètes, pour trouver des capacités qui manquent à nos opérations." On a un "intérêt sans doute plus marqué aujourd’hui" qu’hier du fait des contraintes budgétaires. Onze projets ont été retenus, comme le soutien aux ravitailleurs, la formation des pilotes, le renseignement, les satellites, le soutien médical, munitions intelligentes….
Certains répondent à des problématiques récents comme les bombes à guidage laser qui ont fait défaut côté européen pendant la guerre en Libye.
C’est le résultat d’une évolution, lente à l’échelle européenne, surtout dans un secteur sensible comme la défense. Tous les pays ne participeront à tous les projets. C’est le principe du "libre choix" : chaque pays choisit dans la liste des projets retenus, ceux qu’il veut suivre et soutenir, voire conduire. Sur la plupart des projets, le principe d’un Etat pilote a été retenu. Mais le fait qu’il n’y en ait pas encore pour certains ne fait "tomber le projet". Il suffit qu’il y ait des pays qui soient volontaires pour le mener. Point important, et sur lesquels ont insisté la plupart des ministres de la défense, les projets de l’Agence européenne de défense ne sont pas les mêmes que ceux portés à l’OTAN.
Une liste qui pourrait être complétée plus tard. Car d’autres projets sont encore dans les cartons, par exemple celui sur les engins explosifs artisanaux (IED), un programme que l’Espagne voulait promouvoir mais interrompu par le changement de gouvernement espagnol.
Tous les pays ne participeront pas à tous les projets. Mais "quasiment tous les pays ont indiqué leur intention de participer à au moins un des projets de l’Agence" a indiqué Mme Arnould à Bruxelles 2. Un projet rassemble en général de 6 à 8 pays. On retrouve généralement la France et le Royaume-Uni. Mais d’autres pays, comme la Finlande par exemple, ont été très allants marquant leur intérêt pour plusieurs des projets et prenant le "lead" du projet de surveillance maritime. C’est une Europe à la carte. Certains des projets sont déjà démarrés ou vont l’être incessamment avec des effets dès 2012 ou 2013. D’autres sont à plus long terme, avec des études préalables et des effets à l’horizon 2020.
Le lendemain de la réunion à l’AED, les conclusions du conseil des ministres de la défense européenne début décembre 2011 ont été comme une reprise en main de la lente dérive qui avait marqué ces derniers mois, vers une baisse continuelle des ambitions que ce soit en termes d’opérations ou d’outils de gestion de crise.
Il y a aussi la planification de plusieurs nouvelles opérations situées en Afrique : le renforcement des capacités maritimes dans la Corne de l’Afrique, l’étude d’éventuelles missions au Sahel ou en Libye, la prolongation de l’opération Atalanta, et le lancement de 11 projets capacitaires. C’est une véritable feuille de route que les Etats membres ont voulu tracer, donnant à la Haute représentante le mandat pour développer et renforcer l’Europe de la défense.
De façon générale, les 27 ont surtout demandé à la Haute représentante de leur faire un "rapport de progrès" sur tous les aspects de la PSDC en général dans les six mois, "d’ici juin 2012". Une opportunité que pourrait saisir la Haute représentante pour faire un état des lieux ambitieux en traçant des perspectives, et des lignes de force, tel un "Livre blanc".
Les Etats membres doivent indiquer sur quels projets ils prennent le "lead". La situation sera examinée en avril 2012. Et les 27 rappellent l’engagement pris par les chefs de défense de l’UE d’établir ou d’élargir des projets de coopération d’ici la mi-2012.
Ils veulent examiner en détail "l’impact de la réduction des dépenses de défense sur les capacités, notamment l’impact possible sur les capacités technologiques et industriels à maintenir et développer en Europe". L’AED sera chargée de ce travail. Et demandent à la Commission comme à l’AED d’accélérer la recherche de "synergies", notamment en intégrant ces préoccupations dans le futur programme cadre de recherche et technologies à l’horizon 2020.
Certes, il y a le succès du programme A400M que l’on met souvent en avant : le programme va très bien. La gouvernance a été rétablie. Il sera au rendez-vous des livraisons prévues pour l’armée de l’Air française début 2013 comme prévu et il sera livré exactement dix ans après le lancement effectif du programme. Cette durée est à comparer aux 17 ans nécessaires pour développer le programme du C-17 de Boeing tout comme le C-130 de Lockheed a dit tout récemment François Desprairies, directeur des affaires publiques d’EADS. Mais c’est un programme ancien.
Un objectif (du "Helsinki Headline Goal") du comme le corps multinational paraît abandonné au profit de l’accord franco-britannique. Un des objectifs de l’accord de Lancaster House est une Force expéditionnaire commune interarmées adaptée à toute une série de scénarios, y compris des opérations de haute intensité. Cette Force associera les trois armées. Elle comprendra une composante terrestre composée de formations au niveau brigade, une composante maritime et une composante aérienne avec leurs états-majors associés, ainsi que la logistique et les fonctions de soutien. Il ne s’agira "pas d’une force permanente, mais elle sera disponible avec un préavis pour des opérations bilatérales, de l’OTAN, de l’Union européenne, des Nations Unies ou d’autres opérations". Cette force va commencer "des exercices aériens et terrestres conjoints en 2011 et un concept sera développé ‘d’ici le prochain Sommet franco-britannique’", afin d’être "pleinement opérationnel dans les années qui suivront."
Dans le domaine des forces interarmées, plus de 1500 militaires et civils, dont 450 britanniques, ont participé en juin 2011 à l’exercice baptisé Flandres qui avait deux objectifs principaux : faire un état des lieux détaillé du niveau d’"interopérabilité" (capacité à agir de concert pour des unités militaires) des armées de terre française et britannique et identifier ensuite les possibilités d’amélioration.
De plus faute de volontaires, les 27 Etats de l’Union ont convenu début décembre de ne laisser qu’un seul groupement tactique (battlegroup) de permanence au premier semestre 2012. C’était dans l’air. C’est désormais officiellement inscrit, ainsi qu’en attestent les conclusions adoptées par les ministres des affaires étrangères le 1er décembre. Les Français, Belges et Luxembourgeois de permanence durant les six prochains mois seront donc seuls…
Pour certains experts, il y a une convergence nécessaire entre les 3 Etats clés de l’UE : "Le Royaume-Uni a besoin de développer un agenda européen plus positif pour contrebalancer ses demandes de désengagement dans le domaine social. Il pourrait choisir d’adopter une attitude plus entreprenante en matière de sécurité commune et de relations extérieures. Marquée par l’opération libyenne, l’Allemagne ne pourra échapper à un rôle stratégique à la mesure de sa stature de géant économique, et qui s’inscrira dans l’UE. La France doit, quant à elle, clarifier les ambiguïtés d’une position en faveur d’une PSDC ambitieuse, mais aussi séduite par la dynamique des coopérations bilatérales et par le retour au sein du commandement de l’OTAN." comme le soulignait récemment dans Le Monde, Eric Peters, qui appartient au Bepa, le " think tank" du président de la Commission européenne.
Il n’y a pas nécessairement un jeu à somme nulle : la coopération franco-britannique empiétant sur l’Europe de la défense. En réalité les deux peuvent être complémentaires et non nécessairement concurrentes. Comme le souligne Jolyon Hoyworth, le professeur en relations internationales à l’université de Yale, les forces nucléaires britannique et française participent à la sécurité collective de l’Union. Et dans les autres domaines, le développement de capacités militaires des deux pays participe bien évidemment à la défense européenne.
Jean-Pierre Maulny, directeur adjoint de l’IRIS, think tank basé à Paris, estime que "toutes les coopérations engagées entre la France et le Royaume-Uni sont des coopérations de long terme". Un avis partagé par Yves Boyer, directeur adjoint de la Fondation pour la recherche stratégique :"Un événement est arrivé depuis le sommet de l’an dernier, la crise économique de la zone euro. Cela n’est pas propice à des avancées dans d’autres domaines. Il y a d’ailleurs un refroidissement des relations entre la France et la Grande-Bretagne."
En revanche, à moyen et long terme terme, des progrès sont attendus. M. Boyer souligne qu’ "il y a un travail à long terme, qui permis par les relations qui se sont instaurées entre les bureaucraties et les Etats-major français et britanniques. C’est un travail fondamental."
Ainsi sur les drones "on est dans la première phase, la définition d’un besoin opérationnel commun, c’est en cours, cela fonctionne", souligne M. Maulny. "On s’aperçoit comme souvent dans la coopération, la difficulté est dans les systèmes d’acquisition qui ne sont pas les mêmes au Royaume-Uni et en France, cela complique les efforts pour avancer". La question se pose par exemple avec les avions ravitailleurs britanniques, "peut-on se ‘raccorder’ au système britannique ? Paris avait envisagé de sous-louer les A330 MRTT que va acquérir la Grande-Bretagne, dans le cadre de l’accord de Lancaster". Même problématique "pour les drones tactiques, peut-on en France se ‘raccorder’ au programme britannique du drone watchkeeper ?".
Cependant, si l’on met à part la coopération dans le domaine nucléaire, en partageant les moyens de simulation nucléaire à Valduc (Aube), les autres domaines de coopération avec le Royaume-Uni progressent peu, voire sont gelés. Il reste que cette coopération ne peut que se développer. La coopération en matière en matière de défense apparaît pour ses défenseurs comme un impératif : "il est plus difficile d’obtenir des progrès à Londres qu’à Paris. Mais on ne voit pas en raison de la crise et des restrictions budgétaires, d’autres alternatives à ce projet", explique Camille Grand, directeur de la Fondation pour la Recherche Stratégique, dans Le Figaro du 8 décembre 2011. Le secteur de la défense s’est vu imposer une réduction de 8 % de son budget. "Dans ses conditions, comment les Britanniques pourraient-ils remettre en cause le rapprochement avec la France ?", s’interroge aussi Jean-Dominique Giuliani, président de la Fondation Schuman.
La France balance entre Londres pour les questions de défense et Berlin pour les questions économiques, on vient de le voir au sommet de vendredi 9 décembre à Bruxelles où Paris a obtenu un accord avec Berlin et 25 autres Etats de l’UE, mais où Londres l’a refusé plus d’intégration économique.
Il faut des programmes plus ambitieux comme le propose notamment l’IRIS dans le cadre des pays du Triangle de Weimar (France, Allemagne et Pologne). Des experts dirigé par Jean-Pierre Maulny directeur adjoint de l’IRIS, ont choisi 3 exemples de coopération possible (3) à différents horizons, expliquant lors du séminaire que depuis 20 ans il n’y a plus de "grands programmes de coopération comme l’A400M, avion de transport militaire".
Ils distinguent une option à court terme (à horizon de deux ans), une groupement tactique permanent et commun; une option à moyen terme (un horizon de 5 à 10 ans), vers une plate-forme de drone civilo-militaire de surveillance, et enfin une option à long terme (10 à 20 ans), une coopération industrielle sur les véhicules blindés et protégés.
Les propositions sont stimulantes et elles "sont ouvertes à d’autres pays" que les 3 du Triangle de Weimar, insiste un expert. D’ailleurs, le Triangle de Weimar s’est récemment enrichi à deux autres pays, Espagne et Italie.
Alors que les groupements tactiques (GT) ("battle groups" en anglais) n’ont encore jamais été utilisés, les experts proposent d’élargir le concept à celui de "BG plus" des GT ayant une capacité également civile. Ce GT, "de la taille d’une brigade", souligne Marcin Terlikowski, l’expert polonais de la note, serait également flexible. Il pourrait s’inscrire dans le cadre d’une coopération structurée permanente rendue possible par le Traité de Lisbonne.
Notons qu’en juillet 2011, après quelques mois de discussions, Français, Polonais et Allemands ont signé en juillet l’accord technique qui met en place le Battlegroup de Weimar. Celui-ci sera en alerte au premier semestre 2013 .
Un marché commercial pour un drone civilo-militaire. Son équipement modulaire fait que ce projet pourrait s’ouvrir à d’autres pays que les 3 Etats de Weimar, souligne notamment M. Maulny. Ce futur drone pourrait assurer, entre autres, la surveillance de frontières en bordure de l’Union européenne, ont convenu les participants au séminaire. Dès lors, il y a "un marché commercial" affirme un expert.
Troisième projet de plus long terme : la coopération sur des véhicules blindés. En la matière il y a des efforts importants à faire en Europe avec l’existence de 23 programmes nationaux parallèles, sources d’inefficacités et de concurrence stérile à l’exportation. On ne peut louer la proposition qui est ambitieuse et permettrait de structurer et consolider l’industrie de la défense en Europe qui est trop fragmentée.
Au total, c’est une vision pragmatique et à valeur ajoutée qui est contenue dans ces propositions qui, si elles étaient suivies, contribueraient au développement de l’Europe de la défense dans ses composantes capacitaires et industrielles, mais avec aussi cette dimension civile qui est une des caractéristiques de la PSDC de l’Union.
Si le Triangle de Weimar peut être un axe de coopération en Europe, il faut pour celle-ci des moyens budgétaires adéquats.
Il faudra aussi mettre fin au déclin des dépenses de défense à l’œuvre en Europe depuis la fin de la guerre froide. A force de tailler dans les dépenses d’équipement, sauf dans quelques pays comme la France, qui maintient difficilement son effort d’équipement, ou la Pologne qui a inscrit dans sa constitution l’obligation de dépenser près de 2 % de PIB à sa défense, l’UE perdra des capacités militaires. C’est déjà le cas par exemple pour un pays majeur comme le Royaume-Uni qui abandonne les porte-avions pendant une dizaine d’années, faute de financement ! Il y a un risque de "démilitarisation de l’Europe" comme l’a dit l’ancien directeur de l’AED, Nick Whitney.
S’il est important d’éviter l’effritement, année après année, des dépenses militaires européennes, il faut aussi dépenser mieux les quelques 186 milliards d’euros qu’a consacré en 2010 l’UE à sa défense ce qui place ce budget cumulé au deuxième rang mondial derrière les Etats-Unis.
En pratique, les forces européennes sont encore trop souvent des armées de la Guerre froide dédiées à la protection du territoire et non aux missions de projection, quotidien des armées modernes. Moins de 15% de cette somme est employée à des acquisitions d’armements modernes et l’effort n’est que trop rarement porté sur les capacités prioritaires et plus rarement encore sur des programmes développés en commun. La France et le Royaume-Uni représentent à eux deux 50 % des dépenses de défense de l’Union et les sept premiers contributeurs 80 %, on mesure donc à quel point ces disparités sont importantes.
Des projets en "pooling and sharing" ("mise en commun et partage") s’imposent de plus en plus.
On en voit d’ailleurs les points positifs dans le cas de l’EATC (European Air Transport Command , ("commandement de transport aérien européen"), inauguré le 1er septembre 2010. Situé à Eindhoven (Pays-Bas) et rassemblant 4 Etats, bientôt 5, il a permis aux Pays-Bas de faire 20 % d’économies annuelles sur ses dépenses de transport militaire.
Ceci pose aussi la question de l’industrie européenne d’armement qui doit se restructurer et se consolider face aux baisses des dépenses militaires pour être en mesure de répondre efficacement aux besoins de capacités militaires en pouvant financer les efforts de recherche et développement. Il faut aussi un marché intérieur de la défense et de la sécurité avec des appels d’offre militaires au niveau européen.
Mais il faut aussi des projets d’envergure estime Sven Biscop, directeur de recherche à l’Institut Egmont à Bruxelles : de ce point de vue, le Conseil des ministres des affaires étrangères de l’UE du 1er décembre 2011 est très positif créant "une dynamique capacitaire" avec des projets d’envergure en matière de ravitaillement en vol et aussi en matière de futurs satellites de communication (Milsatcom). Par ailleurs, ce Conseil insiste aussi l’importance d’ Et notamment "d’activer le Centre d’opérations pour les opérations de la Corne de l’Afrique". Le débat sur un quartier général européen, auquel se refusait Londres, est donc relancé.
Dans ce développement capacitaire de l’UE, la France peut jouer un rôle de leader, surtout maintenant alors que le Royaume-Uni est politiquement fragilisé en Europe.
Elle doit aussi donner une vision à l’Europe, sur ce que sont ses valeurs, notamment en matière de défense. "Tant qu’il n’y a pas de vision claire, il sera difficile de naviguer dans le brouillard", souligne le général Jean-Paul Perruche, directeur de recherche à l’Irsem (Institut stratégique de recherche de l’école militaire) qui a été Directeur Général de l’état-major militaire de l’Union Européenne à Bruxelles. Il faut une convergence des Etats membres et une vision commune, définir les intérêts communs et dans quelles régions de l’UE. Difficile de développer de grandes capacités militaires sil n’y a pas de visions communes. La France peut y contribuer.
A court terme et dans un contexte budgétaire contraint, elle peut favoriser des projets d’envergure ou plus modestes.
Comme l’a expliqué récemment devant le Parlement européen, l’ambassadeure polonaise au COPS de l’UE, Beata Peksa-Krawiec, c’est une "politique de petits pas. Et nous avons du pain sur la planche pour six mois". N’oublions donc pas la fameuse formule de Robert Schuman, ministre des Affaires étrangères français, dans sa déclaration du 9 mai 1950 : "L’Europe ne se fera pas d’un coup, ni dans une construction d’ensemble : elle se fera par des réalisations concrètes créant d’abord des solidarités de fait".