ANALYSES

Quelle politique étrangère la gauche et la droite vont-elles choisir ? Des clivages persistants entre les atlantistes et les gaullo-mitterrandistes

Presse
12 janvier 2012
Pascal Boniface - Le Monde

Sous la Ve République, le clivage sur la politique étrangère française ne relève pas de la distinction entre droite et gauche. Encore en vigueur à l’origine du régime, cette distinction s’est effacée au profit d’une autre, plus fondamentale.


II s’est cristallisé dans l’opposition entre les tenants d’une ligne gaullo-mitterrandiste et les partisans de l’atlantisme, et/ou de l’occidentalisme.


Les tenants de la ligne gaullo-mitterrandiste pensent que la France ne peut se résumer à son statut de pays occidental, qu’elle a un rôle spécifique à jouer avec les pays « du Sud » hier, « émergents » aujourd’hui, et qu’il est bien dans son intérêt de jouer ce rôle. Ils sont persuadés que cela n’est possible que si la France maintient une ligne indépendante et qu’elle ne fait pas partie d’un système d’alliance figé. La France doit être en phase avec l’intérêt général et favoriser le multilatéralisme et la multipolarité.


Les atlantistes et autres occidentalistes croient que la France se définit avant tout par son appartenance à une famille politique, que son devoir principal est d’être solidaire de cette famille et de son leader. Une menace supérieure mettant en danger la France (hier l’URSS, aujourd’hui l’islamisme ou la montée en puissance de la Chine ou d’autres pays émergents) nous conduit à devoir accepter de nous mettre dans les pas du leadership occidental.


Apres l’implosion de l’Union soviétique et la disparition du bloc communiste, la ligne de division s’est reformée, les atlantistes se regroupant partiellement sous la dénomination d’«occidentalistes ». Selon les partisans de cette thèse, le monde occidental serait menacé par la dictature russe qui, dans leur esprit, ne se différencie guère de l’Union soviétique, par la suprématie chinoise ou par la montée en puissance de l’islam. Certains parlent de « fascislamisme ». Ils étaient également en faveur de l’ingérence, les Occidentaux étant à leurs yeux censés apporter le progrès aux peuples du Sud.


Subrepticement, la thèse de la supériorité de la civilisation occidentale (plus moderne, plus démocratique, plus ouverte, plus tolérante) s’impose, fût-ce au nom de bons sentiments avec parfois la tentation d’exporter ces avantages pour en faire bénéficier les autres, fût-ce en les leur imposant. Elle refonde les réflexes colonialistes, pétris de bonne conscience pour masquer les appétits de la puissance.


Le clivage ne se situe pas entre droite et gauche, entre les deux principales formations considérées  comme favorites pour figurer au second tour de l’élection présidentielle. L’UMP et le Parti socialiste sont traversés par cette nouvelle ligne de partage. Au sein de chacune de ces deux formations cohabitent atlantistes, occidentalistes et gaullo-mitterrandistes.


Les atlantistes et occidentalistes, peu nombreux au PS avant 2002, s’y sont épanouis après le retrait de Lionel Jospin de la vie politique, en l’absence d’un leadership incontesté. La base militante et électorale du PS est clairement gaullo-mitterrandiste, la direction est plus partagée. Les Verts el le PCF ne sont pas atlantistes et encore moins occidentalistes mais leur refus de la puissance les éloigne du gaullo-mitterrandisme. François Bayrou, pourtant héritier d’une famille politique atlantiste, est proche de la ligne gaullo-mitterrandiste.


A l’inverse, Alain Juppé ou François Fillon (et de son vivant, Philippe Seguin) incarnent le maintien d’une ligne gaullo-mitterrandiste au sein de l’UMP, ou les occidentalistes sont désormais majoritaires. Jean François Copé est clairement sur cette ligne, Nicolas Sarkozy, farouchement occidentaliste avant son élection, a atténué ce positionnement.


Le microcosme médiatico-intellectuel est majoritairement sur la ligne occidentaliste. Les Français sur la ligne gaullo-mitterrandiste. II sera intéressant de voir si François Hollande fait un choix clair et fait sortir le PS de ses ambiguïtés et si Nicolas Sarkozy tranche entre les deux lignes ou continue le courant alterné qu’il a suivi depuis son élection.

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