ANALYSES

Pourquoi l’Iran nous fait si peur…

Presse
11 février 2012
Thierry Coville - Nord Eclair

À un mois d’élections législatives et à un an de l’élection présidentielle, où en est l’Iran ? Son programme nucléaire fait toujours peur à l’Occident, le mouvement de contestation a été réprimé et le mécontentement gronde. Tour d’horizon avec Thierry Coville, chercheur à l’Iris.


Ces derniers temps, les rumeurs sur une possible attaque israélienne contre des installations nucléaires iraniennes se sont amplifiées. Y croyez-vous ?

Honnêtement non. Qu’est-ce qu’Israël gagnerait à faire ça ? Il perdrait même beaucoup sur le plan de sa sécurité à long terme. On est plus dans une guerre de la communication qu’autre chose.


Quelles en seraient les conséquences ?

Ce serait dramatique pour l’Iran, l’ouverture du pays. On entrerait dans un conflit sans fin : l’Iran a des pouvoirs de nuisance. Beaucoup d’Iraniens dans le monde se sentiraient attaqués aussi. C’est pourquoi je vois mal les dirigeants israéliens se lancer dans une telle opération. ce serait un mauvais calcul.


L’Union européenne et les États-Unis prônent pour leur part une aggravation des sanctions. Ont-elles réellement un poids ?

C’est là tout le caractère navrant de la politique européenne et américaine. Les sanctions ne changent rien du tout à l’évolution du problème nucléaire iranien. Nous faire croire que l’on met des sanctions pour éviter la guerre, c’est une tromperie. La politique des sanctions ne fait qu’aggraver les tensions et les incompréhensions entre le monde occidental et l’Iran. Il n’y a pas d’autre issue que la discussion.


Mais les discussions durent depuis des mois avec l’Agence internationade de l’énergie atomique (AIEA). On peut se demander à quoi joue l’Iran.

Les Iraniens n’ont jamais rompu leurs relations avec l’AIEA et les rapports de l’AIEA n’ont jamais dit que l’Iran avait du nucléaire militaire. Je ne dis pas que certains n’ont pas d’intentions militaires, mais on n’a pas de preuve formelle qu’il y a eu une décision en ce sens. Quand on connaît l’Iran, c’est le pays de la négociation. On ne réglera peut-être pas le problème en cinq jours, mais on prendra une direction plus efficace.


L’Iran développe aussi un programme spatial. Doit-on s’en inquiéter ?

Non ! Il faut arrêter de dépeindre l’Iran comme la cause de tous les problèmes au Moyen-Orient, lui prêter toujours de mauvaises intentions, en faire le méchant de la planète. Tout cela a un côté un peu ridicule.


Sur la scène régionale, l’Iran a pris fait et cause pour le régime syrien alors qu’il avait défendu les révolutions arabes. N’est-ce pas paradoxal ?

Ce n’est pas aussi simple. Pendant la guerre contre l’Irak, les deux seuls alliés de l’Iran étaient la Syrie et la Libye. Il y a eu des déclarations du porte-parole du ministère des Affaires étrangères qui disait qu’il fallait gérer la contestation pacifiquement.


S’il y a un changement de régime en Syrie, ils s’adapteront, ils sont pragmatiques.


Sur le plan intérieur, où en est la contestation, après l’échec du mouvement qui avait suivi la réélection controversée d’Ahmadinejad en 2009 ?

Le « Mouvement vert » a connu une forte répression, beaucoup de leaders sont en prison. Les deux principaux leaders, Moussavi et Kourabi, ne peuvent pratiquement pas sortir de chez eux. Ils ont vu que les manifestations de masse étaient dangereuses car elles donnaient au régime l’occasion de réprimer. Mais je ne pense pas que le mouvement ait disparu, contrairement à ce qu’on dit. Il y a un fort mécontentement en Iran : politique, économique, social. La situation économique et sociale est difficile. Il y a un mécontentement général.

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