Grèce : et maintenant ?
DECRYPTAGE – Le Parlement grec a voté dimanche un cinquième plan d’austérité en deux ans. Au programme : baisse du salaire minimum, suppression d’emplois dans le secteur public ou encore réduction du coût du travail. Un plan qui a provoqué la colère de la rue. De quoi alimenter les spéculations sur l’avenir de la Grèce.
Entre la faillite ou un énième plan d’austérité, le Parlement grec a choisi, et opté pour un nouveau programme de rigueur. La Grèce a clairement respecté "le marché" imposé par "la troïka" – Fonds monétaire International, Banque centrale européenne, Commission européenne -, en échange d’une nouvelle tranche d’aide. L’austérité peut "aller très loin", lâche au JDD.fr, Eric Heyer, directeur adjoint au Département analyse et prévision de l’OFCE.Tant que la Grèce ne remplira pas son "contrat" et ne remboursera pas ce qu’elle doit – 14,5 milliards d’euros d’emprunt arrivant à échéance le mois prochain – la troïka sera en mesure d’assujettir le pays à de nouvelles cures d’austérité.
Pour Fabio Liberti, directeur de recherche à l’IRIS (Institut de Relations Internationales et Stratégiques) chargé du suivi de divers aspects du fonctionnement et développement de l’Union Européenne, le constat est sans appel : "plus on impose de l’austérité, plus les pays semblent s’enfoncer dans la récession." En outre, la rigueur est profitable si elle "se traduit par moins de dépenses publiques", selon Eric Heyer. Pour un plan d’austérité profitable, le pays doit remplir trois conditions : être en "haute conjoncture" – dans une situation économique favorable -, être le seul pays à mettre en place un tel plan et avoir une politique monétaire efficace. Or, la situation de la Grèce ne répond à aucun de ces trois critères, le pays étant en basse conjoncture, entouré par des pays qui ont eux aussi mis en place des plans d’austérité, avec une politique monétaire définie non pas à Athènes mais à Bruxelles. L’austérité dans ce cas "rogne la croissance" et ne "résout pas le problème du déficit", estime Eric Heyer.
La Grèce est violemment frappée par l’évasion fiscale. Représentant environ 20 milliards d’euros par an, elle constitue l’une des plus grosses failles de la politique économique du pays. "Le problème principal de la Grèce c’est que le pays n’arrive pas à lever les impôts", souligne Eric Heyer. Il aurait pourtant "fallu proposer des réformes sur l’impôt", enrayer "le travail au noir", précise-t-il. De son côté, l’Europe aurait dû davantage aider la Grèce en "investissant dans le pays", ce qui aurait de ce fait "relancer l’activité". "Prêter de l’argent ne suffit pas" estime Eric Heyer.
Si l’Union Européenne ne peut pas exclure un pays de la zone euro, un pays peut décider d’en sortir. Comme le signale Eric Heyer, « si ce que réclame la Troïka paraît insurmontable pour le peuple grec, le gouvernement pourrait alors refuser le deal avec l’Europe et sortir de la zone euro". "Dans une telle situation, rien n’est à exclure", considère Fabio Liberti, avant d’ajouter, "qu’une sortie de la Grèce de la zone euro serait un désastre car la dette grecque resterait libellée à l’euro, la charge de cette dette serait alourdie sur les citoyens et l’Etat, ce serait une véritable boucherie sociale."
Invité de Radio Classique lundi matin, le député PS, Vincent Peillon, a suggéré une annulation de la dette grecque qui coûterait selon lui finalement beaucoup moins cher à l’Europe. Un point de vue qui laisse sceptique Fabio Liberti : "Certains préconisent que la Grèce fasse comme l’Argentine en 2003 en refusant de payer sa dette. Mais je pense que c’est une erreur. Ainsi la Grèce n’aurait plus le droit de faire aucun déficit, elle serait alors obligée de couper encore plus les retraites, les assurances maladies". En outre, annuler la dette signifierait que le pays est en faillite ce qui serait, selon Eric Heyer, " une catastrophe" car il y’aurait un "effet de contagion sur les autres pays."
Si le pays se retrouve dans l’incapacité de rembourser sa dette, la Grèce sera alors en défaut de paiement, autrement dit, en faillite. Il faudra que "le pays reparte à zéro mais en sachant qu’il n’est pas parvenu à rembourser, beaucoup hésiteront à prêter de l’argent à la Grèce."