Sarkozy-Hollande: sur la politique étrangère, surtout une « différence de ton »
Les questions internationales ont occupé un quart d’heure seulement du débat entre les candidats à la présidentielle, sur près de trois heures. Comme un symbole du peu de place qu’ont occupé ces questions au cours de toute la campagne.
Sur le débat d’hier, d’abord. On se demande comment il a pu se limiter non pas à l’Afghanistan mais aux soldats francais en Afghanistan et à nos otages du Sahel. C’est vraiment, de la part des journalistes, prendre les choses par le petit bout de la lorgnette! Plus généralement, il n’y a pas eu de vrai débat sur la place de la France dans le monde au cours de la campagne. Il n’y en avait pas eu non plus en 2007, d’ailleurs.
Cette guerre a changé de sens en cours de route. On est partis d’une guerre de libération et on est passés à une guerre de contre-insurrection. Il est clair qu’elle a été perdue. La seule alternative qu’il reste est de savoir quand on part, en tâchant d’éviter une humiliation. La décision de sortir de ce conflit est déjà actée dans un certain consensus. La différence d’approche entre les deux candidats porte seulement sur le calendrier du retrait – fin 2012 pour Hollande, 2013 pour Sarkozy.
Avec les Etats-Unis, François Hollande, s’il est élu, pourrait être un peu moins accommodant que ne l’a été Nicolas Sarkozy. Il n’est pour autant pas question que la France sorte, trois ans après y être entrée, du commandement millitaire intégré l’OTAN. En qui ce qui concerne la Chine et la Russie, il y a peu de différence entre les politiques que les deux candidats pourraient mener, si ce n’est dans le ton. Durant son quinquennat, Nicolas Sarkozy est passé d’un extrême à l’autre. Il s’est d’abord désigné comme le "président des Droits de l’Homme", a refusé de serrer la main de Poutine, avant de changer radicalement de politique vis-à-vis du Kremlin. La meilleure attitude que peut adopter la France est d’éviter de se poser en donneur de leçon.
La ligne de François Hollande devrait se rapprocher de celle des autres pays occidentaux. Nicolas Sarkozy a en effet pris la position la plus radicale de tout les partenaires de la France; il va même au-delà de Barack Obama, faisant du nucléaire iranien une question cruciale, alors que beaucoup d’observateurs, y compris en Israël, s’accordent à reconnaître qu’elle a été instrumentalisée par le Premier ministre israélien Benyamin Netanyahu à des fins de politique intérieure. Cette attitude – comme l’ont d’ailleurs récemment relevé les anciens patrons de services secrets et de sécurité israéliens- est contre-productive. Le fait de se focaliser exclusivement sur la question nucléaire n’aboutit qu’au raidissement de l’Iran, tandis que les sanctions de plus en plus dures solidarisent la population avec le régime. Pour amener l’Iran à coopérer, mieux vaudrait une négociation globale incluant les relations économiques et commerciales.
Non. Il y a peu de désaccords entre François Hollande et Nicolas Sarkozy à ce sujet. Ils conviennent que cette crise ne peut être gérée que dans un cadre multilatéral. L’usage de la force n’est à l’ordre du jour ni pour eux ni pour aucun des pays occidentaux, d’ailleurs. La seule option possible est d’agir auprès de la Russie dont les intérêts dans cette confrontation n’ont pas suffisamment été pris en compte.
L’Union pour la Méditerranée est bloquée par la persistance du conflit israélo-palestinien et cette situation ne devrait pas changer dans les mois qui viennent, quelque soit le prochain président français.
Par ailleurs le discours très brutal du camp Sarkozy sur l’immigration et l’islam pendant la campagne électorale a abimé l’image de la France au sud de la Méditerranée. Si l’actuel chef de l’Etat est réélu, il sera confronté aux propos qu’il a tenu alors qu’il était candidat, et aura fort à faire pour réparer les liens de l’Hexagone avec les pays du Maghreb notamment. François Hollande en revanche ne pâtira pas de ce passif.
Le bilan est là aussi médiocre et le président s’est bien gardé de s’en servir pendant la campagne, alors qu’il y a quelques mois il avait pensé en faire un atout. La gestion de la crise libyenne ressort de la politique des "coups" propre à Nicolas Sarkozy. Elle a aggravé la désunion parmi les pays européens au moment de l’intervention. On paye aujourd’hui les conséquences de cette gestion hâtive avec la crise syrienne puisque c’est à cause du détournement du mandat de l’ONU que la Chine et la Russie se sont braquées au Conseil de sécurité face aux pays occidentaux. En Libye même, on constate que le changement obtenu, non pas au moyen d’une révolution, mais grâce à une intervention extérieure, a laissé une situation instable sur le terrain. Enfin on paye aussi les conséquences de cette mauvaise gestion par la crise en cours au Mali.