Grèce. Qui sont les néonazis qui entrent au Parlement ?
Dimanche, les électeurs grecs ont infligé un désaveu à la Nouvelle démocratie (ND) et aux Pasok, les deux principaux partis qui ont accepté la politique d’austérité exigée par l’Union Européenne et le Fond monétaire international. Alors que l’extrême gauche devient la deuxième force politique du pays, un parti néonazi Chryssi Avghi (l’Aube Dorée) a obtenu 21 députés au parlement. Une première, pour ce groupuscule qui n’avait obtenu que 0,28% des suffrages aux précédentes législatives.
Il faut commencer par expliquer que le cas grec est assez marginal en Europe. En effet, la majorité des partis populistes européens, comme le Front National en France, rejettent catégoriquement toute référence à l’extrémisme et au nazisme. Il ne faut donc surtout pas placer ce parti néonazi grec dans la même catégorie que les autres partis nationaux-populistes que l’on voit émerger en Europe.
L’Aube Dorée est clairement un parti néonazi. D’abord dans ses références : son slogan est "Sang et Honneur", ses modèles Goebbels et Hitler et son drapeau est clairement inspiré de la croix gammée. D’ailleurs, le leader de l’Aube Dorée [NDLR : Nikos Michaloliakos] s’est fait remarquer pour avoir exécuté le salut nazi, il n’y a pas si longtemps. Il oeuvre aussi avec une organisation paramilitaire.
L’Aube Dorée reprend aussi des thématiques inspirées du nazisme, avec des références à la race grecque et au sang. On retrouve cette idée des nazis de nation biologique, de nation raciale d’où serait automatiquement exclu tout étranger qui ne descendrait pas de sang grec.
On trouve parmi les militants de l’Aube Dorée une partie des déçus du LAOS (L’Alerte Orthodoxe Grècque). Ce parti national populiste qui avait réalisé un bon score aux précédentes législatives, mais qui, cette fois, n’a pas obtenu de députés [NDLR : puisqu’ils ont récolté moins de 3%]. Ce parti s’était allié à la dernière coalition gouvernementale, ils avaient même obtenus des ministères. Et beaucoup lui ont reproché d’avoir pactisé avec les partis traditionnels en votant les différents plans d’austérité. Résultat, une partie de ses militants et de ses dirigeants est partie vers l’Aube Dorée.
Il faut se rappeler qu’avant ces élections, l’Aube Dorée n’était qu’un tout petit parti qui n’avait fait que 0,28% aux précédentes législatives. C’était un groupuscule néonazi tel qu’il en existe ailleurs en Europe. La différence c’est que ceux que vous retrouvez en Allemagne ou en France ne participent pas aux élections. Ils ne le cherchent pas. C’est en cela, aussi, que le cas Grec est une exception.
Il y a trois raisons. D’abord, le cas Grec est assez spécifique, de part la profondeur de la crise, qui atteint des niveaux absolument inégalés en Europe. Autant je pense qu’il faut minorer l’impact de la crise dans la poussée du national-populisme en Europe, autant pour ce qui est de la Grèce, je pense que ça joue un rôle fondamental.
Cette crise économique explique le ras-le-bol et la dimension protestataire du vote. Les partis traditionnels qui se sont cassés les dents sur la situation sont, désormais, détestés par les électeurs qui sont allés se rabattre sur de nouveaux acteurs.
La deuxième raison, c’est qu’il y a un problème migratoire assez prégnant en Grèce. Il y a, aujourd’hui, 10% d’étrangers dans ce pays, ce qui en fait un des taux les plus élevés en Europe. Il faut savoir, aussi, que la Grèce est la porte d’entrée de neuf immigrants sur dix en Europe. Autrement dit, l’immigration est une problématique qui est réelle et lourde en Grèce.
La troisième raison, c’est la dynamique identitaire liée au contexte de mondialisation et à cette ouverture dont tous les pays d’Europe ont à subir les conséquences. Celle-ci provoque une diminution des souverainetés nationales, une moindre protection des nations et également un sentiment de démantèlement des identitées. Cette problématique identitaire est largement exploitée par des partis comme l’Aube dorée, qui prônent le retour à la nation protectrice et aux frontières. L’Aube Dorée a d’ailleurs fait cette proposition complètement démente de miner la frontière entre la Grèce et la Turquie.
Oui, il y a des points communs. Mais il faut insister sur le fait, qu’à ce stade, le cas Grec est vraiment à part, comme je l’ai déjà expliqué.
Ceci étant, on peut trouver des points communs. Notamment la dimension identitaire du discours. La crise économique a renforcé le phénomène, mais elle n’en est pas le point de départ. Prenez l’exemple de la Norvège et de la Finlande, qui ont toutes deux des croissances positives et qui, pourtant, ont des partis d’extrême droite qui sont entrés au Parlement.
Le point de départ, c’est l’accélération de l’intégration des pays d’Europe et l’approfondissement de l’Union européenne qui s’accompagnent d’une réduction des souverainetés nationales, d’une augmentation de l’immigration, d’un abaissement des frontières, etc. Tout ça dans le contexte de la mondialisation.
Ce phénomène fait peur à une partie de la population, précisément celle qui est exclue de la mondialisation. En tout cas qui ne bénéficie pas de ses bienfaits et qui voit la mondialisation comme quelque chose de négatif. Du coup cette population se rattache à ce qu’elle connaît le mieux, à ce qui, pour elle, paraît le plus protecteur : la nation.
Résultat, vous avez, d’un côté, la nation qui est présentée par les partis nationaux-populistes comme un cocon protecteur. Et de l’autre, toutes les organisations internationales, comme l’Union européenne, qu’ils décrivent comme technocratiques et purement politiques. Des organisations qui, selon eux, n’ont pas de consistance historique et donc pas vocation, aussi bien que la nation, à protéger les individus.
Et ça, c’est l’élément que l’on va retrouver dans tous les partis nationaux-populistes et d’extrême droite en Europe.
Oui, je le pense. Le Front National, en France, n’arrive qu’à la suite d’un processus débuté dans le courant des années 90. On observe, à mon avis, une tendance de fond et en aucun cas à un phénomène conjoncturel. Si on enlève l’exemple de la Grèce, ce n’est pas un vote protestataire ou conjoncturel, c’est plus un vote d’adhésion. Autrement dit un phénomène structurel qui a toutes les chances de se poursuivre.