Egypte : les islamistes soumis à la poigne de militaires inamovibles
Depuis quelques mois, nous assistons à des accès de violences, c’est-à-dire à des manifestations qui dégénèrent et qui sont très brutalement réprimées par l’armée en charge du maintien de l’ordre. Ces situations se terminent assez tragiquement et reflètent le climat de tension qui règne. Sur le plan purement électoral, des tensions se sont aussi manifestées ces derniers mois en partie du fait de l’invalidation d’une série de candidats. En effet, il a été difficile de stabiliser la situation des candidats notamment celle de celui qui fut désigné pour représenter les Frères musulmans, la force politique dominante au Parlement suite à leur victoire aux législatives.
A l’heure actuelle, l’armée reste la véritable force de contrôle du pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak par l’intermédiaire du Conseil supérieur des forces armées. Elle ne souhaite pas se voir modifier ses prérogatives économiques qui sont considérables. Ainsi, elle refuse que son budget soit discuté au niveau du Parlement car une partie de celui-ci est utilisée pour des projets lucratifs qui n’ont rien a voir avec les missions mêmes de l’armée. Si elle est prête à des concessions, elle sera néanmoins intraitable sur cette question. Il y a donc une imbrication structurelle entre l’armée et l’appareil économique égyptien. Sur ce sujet, l’un des candidats, Amr Moussa, un candidat bien placé pour arriver au second tour, laisserait à l’armée ses prérogatives.
Les Frères musulmans ont quant à eux fait preuve d’opportunisme ces dernières semaines et ont déçu beaucoup de leurs électeurs du fait de la volatilité de leur ligne politique ce qui s’est traduit par des dissidences. Eux même ne souhaitent donc pas entrer en conflit avec l’armée. Leur candidat, Mohammed Morsi, est assez peu charismatique et sa campagne ne fonctionne pas. Cela ne signifie pas pour autant qu’ils seront battus car ils constituent toujours la force politique la mieux structurée avec 400 000 militants. La situation est donc instable, complexe et personne ne sait comment elle va se dénouer. Elle ne va d’ailleurs peut être pas se réguler avec cette élection, l’Egypte étant encore sous le sceau de processus révolutionnaires pouvant durer des mois, voire des années. Tant que les partis politiques ne parviendront pas à formuler des propositions répondant aux aspirations et besoins sociaux et économiques de la population, il y aura un frein au changement. L’armée n’est donc pas seule responsable.
Mohammed Morsi semble pour le moment en mauvaise posture dans les intentions de vote même s’il convient d’être prudent avec les sondages. Aboul Foutouh se présente comme un candidat modéré mais dispose dans le même temps du soutien des salafistes, ce qui est assez contradictoire.
L’accession à la présidence du pays ne sera pas que symbolique mais aussi politique car la Chambre parlementaire a plutôt un rôle d’enregistrement, l’essentiel du pouvoir étant ailleurs. Cependant, même si le suffrage universel est important, l’armée continuera à avoir la haute main sur un grand nombre d’éléments et de décisions. Le futur président ne cherchera pas le conflit avec l’armée mais plutôt un compromis.
Mais quelque soit le candidat élu, il n’y aura pas de dénonciation du traité de paix signé avec Israël pour des raisons géostratégiques, malgré une tension entre les deux pays. D’ailleurs, outre les Frères musulmans, Amr Moussa, ancien ministre des Affaires étrangères de Hosni Moubarak, ancien secrétaire de la Ligue arabe et candidat bien placé dans les sondages est très critique à l’égard de la relation entre l’Egypte et Israël, estimant que celle-ci est déséquilibrée en faveur de l’Etat hébreux. Pourtant, il s’agit d’un candidat laïc.