ANALYSES

Entre l’Equateur et Assange, une question d’opportunités ?

Presse
21 juin 2012
Jean-Jacques Kourliandsky - Le Nouvel Obs.com

Julian Assange se trouvait toujours jeudi 21 juin dans l’ambassade d’Equateur à Londres où il a passé une deuxième nuit, dans l’attente d’une réponse de Quito à sa demande d’asile politique qui prendra selon le président Rafael Correa "le temps nécessaire".


Selon Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Amérique latine, le fondateur de Wikileaks a choisi l’Equateur en raison de ses mauvaises relations avec les Etats-Unis, qui souhaitent, eux, traduire Julian Assange en justice pour espionnage.


Pourquoi Julian Assange a-t-il choisi l’ambassade de l’Equateur pour demander l’asile politique ?

Pour éviter une éventuelle extradition, Julian Assange a identifié une ambassade qui lui paraissait représenter un gouvernement qui présentait les plus fortes garanties de préservation de l’asile politique. Il a choisi l’Equateur. Pourquoi ? Parce que le président équatorien Rafael Correa entretient des relations assez compliquées avec les Etats-Unis. Il n’a pas participé au dernier sommet des Amériques à Carthagène, en Colombie, en raison d’un désaccord avec Washington à propos de la non-participation de Cuba à cette réunion.


Le moins que l’on puisse dire, c’est que les deux hommes n’ont pas des relations de complicité. Ce n’est pas de l’hostilité non plus, mais ce sont des relations assez franches. Rafael Correa, tient en Amérique latine et en l’absence du président Chavez qui est malade, cette diplomatie du verbe volontiers anti-américaine.


Quel bénéfice le président équatorien tire-t-il de cette affaire ?

D’abord, cela lui apporte une certaine notoriété. Ces derniers mois, il a été contesté par son opposition et par les organisations de coordination de la presse internationale sur des problèmes de liberté de la presse. Cela avait créé un certain trouble. Il avait donc besoin de se re-légitimer sur les questions des droits de l’Homme pour préparer la session du Conseil des droits de l’Homme des Nations Unis qui s’est tenue à Genève il y a quelques jours. Cela fait partie de cette bataille d’image pour apparaître comme un protecteur du droit d’asile. Cette affaire-là, de son point de vue, tombe bien.


Rafael Correa s’est exprimé lui-même sur ce dossier. Lui et Julian Assange entretiennent-ils des relations privilégiées ?

A ma connaissance, il n’y a pas d’amitié particulière. Je pense que c’est une question d’opportunités pour l’un et pour l’autre. Je pense que Julian Assange aurait aussi bien pu choisir la Bolivie ou le Venezuela. Et puis, il avait eu l’occasion d’échanger à la télévision avec le président équatorien.


Est-ce que cela peut tendre les relations de l’Equateur avec les Etats-Unis, le Royaume-Uni ou la Suède ?

Les moyens de pression de ces pays sont minimes dans la mesure où les relations économiques et commerciales le sont aussi. L’essentiel de ce que vend l’Equateur sur le marché mondial, ce sont du pétrole et des bananes. Les bananes s’exportent principalement en Allemagne et le pétrole d’Amérique du Sud trouve toujours preneur, indépendamment des déclarations des uns et des autres. L’Equateur n’est pas le Mexique, il n’y a pas de relations de dépendance en raison de son économie modeste.

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