Les enjeux des élections américaines
Elle est très différente pour plusieurs raisons. La première est évidemment que contrairement à 2008, il y a cette fois un président sortant en course, et donc un bilan à défendre. Les Républicains ont d’ailleurs choisi d’axer leur campagne sur l’attaque du bilan d’Obama. D’une certaine manière, cette élection est un référendum sur Barack Obama, là où celle de 2008 n’était pas un référendum sur George W. Bush, John McCain excluant de se présenter comme son héritier. La deuxième raison concerne les enjeux. En 2008, les Etats-Unis étaient au début d’une crise économique majeure, ils sont cette fois englués dans des difficultés qui n’ont fait que se conforter depuis, malgré les mesures adoptées pour sauver plusieurs secteurs de l’économie, comme la construction automobile. La crise est, plus encore qu’en 2008, au cœur de la campagne. Le contexte international a lui aussi évolué. Les Etats-Unis se sont désengagés d’Irak, et vont se retirer d’Afghanistan. Et bien que la politique étrangère n’occupe qu’une place accessoire, des pays comme la Chine et Israël se sont invités dans les débats. Enfin, le vote identitaire (à la fois ethnique, mais aussi lié aux genres et impliqué dans des débats culturels et sociétaux, comme le mariage homosexuel) occupe une place très importante.
L’appellation « faucon américain » est plutôt excessive au sujet de Mitt Romney, même s’il s’est montré d’une grande fermeté face à la Chine, et estime nécessaire de renforcer les capacités militaires des Etats-Unis pour endiguer la montée en puissance de Pékin. Mais cela n’en fait pas un va-t-en guerre pour autant, et il aurait d’ailleurs tort de se présenter comme tel, les épisodes afghan et irakien étant encore très sensibles. Il n’est d’ailleurs pas anodin que le candidat républicain axe sa campagne sur les questions économiques et sociales, sur lesquelles il peut critiquer le bilan d’Obama. Il fait cependant face à deux problèmes. Le premier concerne sa crédibilité comme « candidat du peuple », en raison de sa fortune. Cette situation lui a joué de vilains tours lors des primaires, en 2012 comme en 2008, où il fut battu par John McCain, considéré comme plus proche du peuple. Le deuxième concerne son positionnement politique au sein du parti républicain. Romney est perçu comme un modéré, ce qui peut être un avantage pour s’attirer les voix des centristes et indépendants – une des clefs du scrutin comme en 2008 – mais le place en difficulté vis-à-vis de l’aile droite de son parti. C’est pourquoi il s’est entouré de Paul Ryan comme colistier, un peu comme McCain l’avait fait avec Sarah Palin il y a quatre ans. Ryan est plus fiable que Palin, mais sa présence force Romney a faire le grand écart entre la droite dure et le centre droit. Les Démocrates ne manquent pas de jouer sur ces faiblesses, qui pourraient s’avérer décisives dans quelques Etats clefs.
On constate en effet un fossé de plus en plus net qui distingue le projet de société des Républicains, et celui des Démocrates. Il ne faut pas y voir le résultat d’une droitisation de la société américaine, sans quoi cette opposition n’existerait pas, mais l’apparition de guerres culturelles au sein de la société, qui viennent s’ajouter aux débats politiques traditionnels sur l’économie et l’Etat providence, orientés autour de la question du « Big government » ou d’un plus grand libéralisme économique. Ce n’est pas nouveau, mais c’est une tendance qui semble aller crescendo d’élection en élection.
Non. Je trouve au contraire que le mot-clef de cette campagne, dans les programmes des deux candidats est le réalisme. Réalisme d’Obama qui ne fait pas de promesse et promet des jours meilleurs mais sans mentir sur l’ampleur de la tâche restant à accomplir. Réalisme de Romney qui propose une autre orientation, mais sans annoncer des miracles. Il y a un vrai choix qui concerne les orientations économiques et sociales, et divise clairement deux projets politiques. Bien sûr, le poids de l’argent et les publicités négatives ternissent un peu l’image de ce débat, et donnent un air de populisme, mais il n’y a rien de nouveau ici. Les campagnes précédentes furent encore plus dures encore sur ce terrain, notamment quand les Républicains remettaient en cause la citoyenneté d’Obama pour le discréditer et porter le débat sur des terrains leur étant plus favorables.
Pas nécessairement. D’une part, Mitt Romney n’a pas d’expérience en matière de politique étrangère, et devra apprendre, notamment en se montrant patient sur certains dossiers sensibles. Il s’est montré engagé et ferme au cours des dernières semaines, mais c’est essentiellement pour se donner un profil de « tough guy », propre à la fonction qu’il brigue. D’autre part, il ne pourra pas changer la politique étrangère américaine de manière significative sans se heurter à de multiples écueils. Budgétaire s’il souhaite augmenter la part allouée à la défense, en temps de crise ; stratégique s’il remet en question des engagements tels que le retrait d’Irak et d’Afghanistan ; politique s’il oublie le nécessaire travail qui l’attend en matière de politique intérieure. L’aile droite du parti républicain ne lui pardonnerait pas de privilégier les affaires internationales au détriment de leur quotidien et leurs emplois. On peut en revanche s’attendre, en cas de victoire de Romney, à un changement de perception des Etats-Unis sur la scène internationale. Si Obama est critiqué en interne, comme l’est tout président en exercice, il reste très populaire à l’extérieur, et Mitt Romney ne présente pas un profil comparable. L’image d’un « ami d’Israël » et d’un gaffeur malheureux (sa critique de l’organisation des JO de Londres prononcée dans la capitale britannique passe mal) risque de lui coller à la peau.
Elles sont, en toute franchise, plus grandes que celles de Nicolas Sarkozy, et l’équation est à l’heure actuelle difficile pour Mitt Romney, ce qui semble indiquer que dans l’état actuel des choses, le président sortant devrait être reconduit pour quatre ans. Cela tient essentiellement au mode de scrutin américain, totalement différent de celui de la France. Pour être élu président des Etats-Unis, il faut remporter la majorité des délégués et, pour ce faire, arriver en tête dans un maximum d’Etats, de préférence assez peuplés, et donc offrant un grand nombre de délégués. Le vainqueur dans chaque Etat remporte en effet l’ensemble des délégués. Comme on sait que certains Etats sont fortement ancrés dans l’un ou l’autre des deux partis (le Texas vote républicain et New York démocrate, par exemple), l’attention se porte comme toujours sur des Etats pouvant basculer d’un côté comme de l’autre. Cette fois, c’est l’Ohio et le Michigan qui semblent essentiels pour emporter la victoire. C’est un peu comme si le sort de Nicolas Sarkozy s’était joué exclusivement sur cinq ou six départements français. Pour cette raison, on ne saurait comparer l’élection américaine avec d’autres démocraties. A cela s’ajoute bien sûr la popularité de Barack Obama qui reste importante, et qui en fait un candidat bien placé pour reprendre du service. Mais là encore, le poids du local est essentiel, et on se souvient ainsi que malgré une impopularité assez grande, George W. Bush avait été assez facilement réélu en 2004 face à John Kerry.
Il est à analyser sous deux angles distincts : la politique intérieure et les affaires étrangères. En matière de politique intérieure, le président américain est parvenu à sauver l’industrie automobile, et donc de nombreux emplois, mais son bilan reste incomplet sur les grandes réformes, notamment l’assurance santé. Il a fait face à une situation de crise exceptionnelle, et on peut évidemment utiliser côté républicain l’argument selon lequel il n’est pas parvenu à véritablement relancer l’économie. C’est pourquoi il a clairement demandé aux Américains, lors de la convention démocrate de Charlotte, de lui laisser du temps. En matière de politique étrangère, le bilan d’Obama est plutôt flatteur. S’il n’a pas tenu sa promesse de fermer Guantanamo, il a en revanche tenu ses engagements en Irak et en Afghanistan. L’opération en Libye fut un succès, et on assiste depuis deux ans à un « retour » de Washington en Asie du Sud-est. Enfin, Oussama ben Laden est mort, prouesse que George W. Bush n’était pas parvenu à accomplir. C’est surtout dans la méthode que le bilan d’Obama reste contrasté. Sa volonté de privilégier une approche bipartisane des dossiers s’est heurtée à l’opposition des Républicains, et il y a fort à parier qu’en cas de victoire en novembre, son second mandat sera plus partisan, et cherchera moins le compromis avec ses adversaires.