ANALYSES

« Au Venezuela, on est pour ou contre Chavez, c’est tout »

Presse
5 octobre 2012

Au pouvoir depuis février 1999, le président vénézuélien brigue ce dimanche un nouveau mandat de six ans. Quel est exactement son bilan ? Comment peut-on qualifier le régime qu’il a mis en place ? Les réponses de TF1 News avec Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur sur l’Amérique latine à l’Institut des relations internationales et stratégiques (Iris).


Etant donné la forte personnalité de Chavez, cette élection, où il est opposé au candidat de droite Henrique Capriles, est-elle de fait un nouveau référendum pour ou contre lui ?

Ce n’est bien sûr pas l’enjeu officiel de l’élection. Mais son enjeu réel donne en effet à cette présidentielle un caractère référendaire. Même si les étiquettes "socialiste" et "droite" sont présentes, les maillots de chaque camp sont dans les faits portés à 100% par Hugo Chavez et son adversaire Henrique Capriles. Etant donné la situation politique actuelle, le sens profond du scrutin va donc beaucoup plus loin qu’un choix de simple alternance comme cela peut être le cas en Europe. Si Henrique Capriles gagne, il mettra en place un système totalement différent. Si c’est Chavez, il perpétuera ce qu’il a déjà fait.


Plus globalement, est-il possible de ne pas être pro ou anti-Chavez au Venezuela ?

Non. Il n’y a pas d’autre voie possible aujourd’hui. La preuve avec les anciens partisans de Chavez qui, après avoir rompu avec lui, ne souhaitaient pas rejoindre l’opposition. Ils ont finalement dû s’y résoudre. Au point que l’opposition est avant tout un "Cartel des nons" à Chavez. Elle regroupe des personnalités et des groupes qui, dans un contexte différent, seraient adversaires. Résultat : il n’y a plus d’espace entre Chavez et Capriles pour mener une autre politique. On est pour l’un ou pour l’autre, c’est tout.


Si on demande aujourd’hui aux Vénézuéliens "êtes-vous dans une meilleure situation qu’avant", que répondent-ils ?

Tout dépend de leur catégorie sociale. Les plus défavorisés, ciblés en priorité depuis 1999 via les "missions sociales", répondent "oui". Le seuil de pauvreté a incontestablement baissé, l’analphabétisme a reculé et l’accès aux soins a été amélioré.


De leur côté, les catégories moyennes et supérieures, déjà contre Chavez lors de sa première élection en 1998, restent opposées à sa personne. Il est vrai, qu’à l’exception de la rente pétrolière, la situation économique du pays n’est pas brillante (production nulle, importation maximum). L’insécurité touche également tous les Vénézuéliens, Caracas étant la ville la plus dangereuse d’Amérique latine.


Cette situation économique et cette insécurité expliquent que certaines catégories intermédiaires qui ont pu voter Chavez par le passé s’en détournent aujourd’hui. Cette "zone grise" représente environ 20% de l’électorat -Chavez et l’opposition ayant chacun un socle de 40%. Et elle est évidemment la plus courtisée. Chavez s’est ainsi montré volontariste en matière de logement, tandis que Capriles a promis de ne pas remettre en cause les programmes sociaux.


L’économie vénézuélienne est totalement basée sur le pétrole. Que deviendrait le pays si le prix du baril redescendait drastiquement ?

Cette hypothèse est très peu probable, d’autant que le Venezuela dispose de 300 ans de production. Mais dans ce cas, l’économie du pays et l’économie du pouvoir s’effondreraient, en premier lieu les programmes sociaux. Et on pourrait s’attendre à une ébullition politique et sociale.


D’un point de vue occidental, comment qualifier le régime politique mis en place par Chavez ?

Le régime parle d’une "démocratie socialiste modèle" tandis que l’opposition affirme qu’il s’agit d’une "dictature communiste". Concernant les élections, d’un point de vue technique, il n’y a rien de spécial à dire : elles sont parfaitement transparentes, au sens occidental du terme. Chacun est libre de voter pour qui il veut. Ce n’est donc pas une dictature. En revanche, dans la campagne électorale, il y a un déséquilibre évident. Le pouvoir monopolise tous les moyens financiers et matériels pour son candidat, ce que ne peut pas faire l’opposition. Sur ce point, on est donc loin des standards occidentaux.


Plus globalement, il est très difficile de comparer le régime de Chavez à un autre régime. Le cas du Venezuela est vraiment unique, même par rapport à l’Amérique latine. Se basant sur ses réseaux dans l’armée, tandis que le parti politique qui lui est affilié joue un rôle limité, Chavez mise avant tout sur le soutien à sa personne en privilégiant le contact direct avec la population. D’où, pour revenir à la première question, l’aspect référendaire de cette présidentielle.

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