ANALYSES

Très loin de l’Europe

Presse
8 novembre 2012
- Sud Ouest

Directeur de recherche associé à l’Iris (Institut de relations internationales et stratégiques), enseignant à Sciences Po Paris, Thomas Snégaroff est un spécialiste de la politique étrangère des États-Unis.


Comment Barack Obama voit-il l’Europe ?

Obama est le premier président des États-Unis « posteuropéen », il est tourné vers la zone Pacifique. Jusqu’en 2010, il s’est très peu intéressé aux affaires européennes. Il a ensuite renoué des liens dans le cadre d’une stratégie personnelle de « représidentialisation », qui l’a conduit en Irlande et en Angleterre. Mais, pour lui, l’Europe n’est ni un problème ni une solution aux problèmes. Les rares fois où il s’est exprimé sur l’Europe, c’était pour enjoindre ses dirigeants à relancer plus vigoureusement l’économie.


Et à l’avenir ?

Tout le monde s’accorde à penser que, pour Barack Obama, l’avenir du monde se joue en Asie-Pacifique et dans la relation avec la Chine. L’enjeu pour les Européens, c’est la réalisation au cours de ce mandat d’une zone de libre-échange entre l’UE et les États-Unis. Ce sujet est actuellement en discussion à la Commission européenne. Il résume la façon dont les Américains voient désormais l’Europe : un partenaire commercial avant tout.


D’autant qu’après le retrait des troupes américaines d’Afghanistan, les États-Unis n’auront plus besoin du soutien des Européens.


Quid des conséquences pour l’Otan et de la présence des soldats américains en Europe ?

On peut imaginer un désengagement américain, ce qui ne serait probablement pas arrivé dans le cas d’une présidence Romney. On a environ 50 000 soldats américains stationnés en Europe. Ce chiffre devrait baisser drastiquement. Fin 2010, l’administration Obama a ouvert une nouvelle base militaire à Darwin, au nord de l’Australie, afin d’endiguer l’essor chinois. Les Américains iront chercher leurs soldats en Europe à mesure que leurs effectifs grossiront là-bas. En revanche, ils maintiendront la structure Otan, qui leur permet de contrôler les Européens.


Obama considère-t-il que le dialogue américano-russe est de qualité suffisante pour se passer du rempart européen ?

Contrairement à Romney, il n’a plus jamais qualifié la Russie de « premier ennemi » géopolitique des États-Unis. Il entretient une relation directe et franche avec Vladimir Poutine. Pour lui, la tension américano-russe appartient à une géopolitique du passé, celle de Romney et des années 1980. Il a fait le deuil d’élargir l’Otan à l’Ukraine et à d’autres pays. Il ne veut pas risquer des tensions avec la Russie pour des questions qu’il juge aussi peu importantes. L’important, pour lui, c’est le maintien des équilibres.


Et en cas d’intervention européenne au Mali ?

Lors du dernier débat de la campagne, le Mali a été évoqué. Obama est resté très prudent, au contraire de Romney. S’il devait y avoir un soutien logistique américain, on pourrait penser à une opération du type Libye : une base navale et des drones. Les États-Unis vont laisser agir les Européens, leurs auxiliaires dans les zones d’influence européennes classiques.

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