Affaire Merah : un citoyen étonné
Pourquoi François Hollande persiste-t-il à ignorer certaines des victimes du terroriste Mohamed Merah, s’interroge Pierre Conesa, chercheur associé à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) et maître de conférence à Sciences Po.
La visite conjointe de Benyamin Netanyahou et de François Hollande le 1er novembre au collège-lycée Ohr Torah, où trois enfants et un enseignant juifs ont péri sous les balles de Mohamed Merah, a donné l’occasion au président d’assurer qu’il allait tout mettre en œuvre afin de «pourchasser, poursuivre, éradiquer» l’antisémitisme. Il a affirmé que la France était déterminée à le «combattre sans relâche» et à «le pourchasser partout», en faisant ainsi «une cause nationale».
C’était également le discours de Manuel Valls, ministre de l’Intérieur, le 18 octobre, dans les mêmes lieux. Mais on reste étonné de la différence entre les discours du Premier ministre israélien et du président français. La veille de la visite, Benyamin Netanyahou, reçu à l’Elysée, fier d’aller à Toulouse, a dit vouloir «porter le message que l’extrémisme envers les juifs et les non-juifs est inacceptable», montrant que le jihadisme menaçait aussi des non-juifs. Rien de tel dans le discours du président français.
Avant les assassinats de l’école juive, Mohamed Merah avait exécuté de sang-froid trois parachutistes (le maréchal des logis Imad Ibn Ziaten, 30 ans, et deux militaires du rang, Abel Chennouf, d’origine algérienne, 26 ans, et Mohamed Legouad, Français musulman d’origine algérienne, 24 ans) et avait blessé grièvement à la tête un quatrième (Loïc Liber, 28 ans) les 11 et 15 mars à Toulouse et à Montauban. Aucun membre de ces familles n’a été associé à la visite présidentielle à Toulouse. Qu’en est-il de ces victimes aujourd’hui ?
Le ministre de l’Intérieur avait reçu en octobre, à la préfecture de Haute-Garonne, Hatim Ibn Ziaten, frère aîné du premier soldat tué, à Toulouse, la sœur de Mohamed Legouad et le père d’Abel Chennouf, et leurs avocats. L’avocate Me Maktouf a évoqué «un ras-le-bol, un mal-être insupportables». L’un de ses clients, Albert Chennouf, perçoit 700 € de retraite et a déjà dû faire l’avance de 1 700 € de frais en tant que partie civile. Les avocats de ces soldats veulent avec raison faire reconnaître que les quatre militaires visés sont «morts pour la France», permettant ainsi une prise en charge partielle de leurs frais de justice et une aide à leurs familles. Ce serait là un signe à l’égard de la communauté maghrébine qui, à travers ces jeunes engagés, a démontré son attachement à la France et a payé un très lourd tribut.
Pour l’heure, le président Hollande n’a pas jugé bon de les recevoir, leur faisant répondre par un courrier d’un conseiller. Sarkozy s’était au moins senti obligé de leur adresser une lettre manuscrite…