Italie : rude campagne en vue. Berlusconi, profiteur de crise
L’Italie pouvait sembler, à l’œil de l’observateur extérieur, un pays pacifié, garanti par la sagesse du président du conseil, Mario Monti, libéré de la présence encombrante de Silvio Berlusconi, vivifié par la participation citoyenne aux élections primaires du centre gauche. Hélas, le retour du Cavaliere et la démission de Mario Monti rappellent que le contexte politique italien et européen est difficile de compréhension, et que les effets de la crise économique et financière sont loin d’être terminés.
Le retour sur le devant de la scène de Silvio Berlusconi marque surtout le début d’une campagne électorale âpre qui sera marquée par de violentes charges germanophobes et antieuropéennes. Le contexte s’y prête, celui économique notamment, avec une contraction du PIB italien de l’ordre de 2,5 % en 2012, fruit des erreurs du passé et des lois budgétaires qui ont cumulé plus de 100 milliards d’euros entre augmentation d’impôts et réduction de la dépense publique en deux ans seulement.
Le chômage s’envole, la consommation s’écroule, le pays met en œuvre les réformes structurelles qui doivent lui permettre, comme l’Allemagne de Gerhard Schroder, de redéployer son potentiel en termes de croissance. Mais en attendant, les effets sont bien ceux d’un appauvrissement de la population. Politiquement, une large partie de l’opinion publique italienne a l’impression de payer pour une appartenance à une Europe qui serait devenue un club de banquiers, dominée par les intérêts franco-allemands.
L’Italie va-t-elle dériver vers le populisme et faire imploser l’euro ? Rien n’est moins sûr. Silvio Berlusconi n’a aucune chance de remporter les élections du printemps 2013, il cherche plutôt à ne pas trop les perdre. Son parti, qui avait recueilli 38 % des votes en 2008, n’est plus crédité que de 14% des suffrages.
Silvio Berlusconi, qui aurait pu laisser le leadership de son camp à Mario Monti, et soigner sa sortie de scène définitive, fait finalement le pan de défendre jusqu’au bout ses intérêts personnels, économiques et judiciaires, mettant son parti et la droite italienne à son service, et cherche à exploiter les failles de la loi électorale transalpine (celle-ci prévoit une prime de majorité calculée de façon différente pour les deux chambres du Parlement, rendant facile la formation d’une minorité de blocage) pour continuer à compter.
Mais sa décision précipite aussi l’entrée dans l’arène politique de Mario Monti qui, libéré de son rôle bipartisan, pourrait enfin accepter de conduire une liste centriste ayant pour programme la continuation de son action au gouvernement.
A regarder les sondages, l’issue du scrutin semble faire peu de doute. La coalition de centre gauche, emmenée par Pier Luigi Bersani, qui vient de remporter les élections primaires, reste le grand favori de ce scrutin, mais pourrait avoir besoin d’un accord avec les centristes (emmenés par M. Monti ?) pour gouverner, utilisant le «Professeur» Monti comme caution vis-à-vis des marchés en le nommant président de la République ou ministre des Finances. Mais c’est sans compter sur la campagne électorale, qui risque de faire des dégâts.
Jouant sur la colère des Italiens, Silvio Berlusconi va critiquer l’euro, l’austérité, l’Union européenne, le couple franco-allemand. Il ne sera pas seul dans cette bataille, la Ligue du Nord se joindra au Cavaliere. Sans être son allié, le Mouvement 5 étoiles de l’humoriste Beppe Grillo va faire campagne sur les mêmes thèmes. Ce bloc populiste est crédité de 40 % des intentions de vote, sachant que la moitié des Italiens, écœurés par les scandales de corruption ayant impliqué plusieurs partis politiques, atterrés par l’austérité, annoncent leur abstention.
Ce sont ces Italiens qui détermineront l’issue du scrutin, après une campagne électorale qui portera sur l’Europe et l’euro. Comme les Grecs et les Néerlandais, les Italiens devront choisir entre l’appartenance à la zone euro et à l’UE, et les sirènes d’un renversement du système politique européen.