Venezuela: «Seule une fin tragique de Chavez peut modifier le processus actuel»
C’est officiel: Hugo Chavez ne pourra pas prêter serment jeudi pour son quatrième mandat présidentiel en raison de ses problèmes de santé. La cérémonie a été reportée et le flou demeure sur la suite des événements à la tête de l’Etat vénézuélien. Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Institut de relations internationales et stratégiques (Iris), chargé de l’Amérique latine, donne à 20 Minutes un éclairage sur la situation actuelle.
A priori, il ne va donc rien se passer jeudi, car son état de santé ne lui permet pas de participer à cette cérémonie d’investiture. Le pouvoir s’appuie sur l’article 231 de la constitution, qui indique que s’il ne peut pas prêter serment devant l’Assemblée nationale, le président vénézuélien le fera devant le Tribunal suprême de justice. L’opposition met, elle, en avant une autre interprétation basée sur l’article 233 qui évoque l’incapacité du chef de l’Etat pour raisons physiques, menant à une nouvelle élection présidentielle. Mais cette option-là suppose l’aval du Tribunal suprême de justice, qui devrait vérifier l’état de santé d’Hugo Chavez avant de solliciter le Parlement, majoritairement pro-Chavez, pour confirmation. Cette interprétation n’a ainsi aucune chance d’être mise en application; c’est la majorité qui a imposé sa lecture et l’opposition n’a pas la possibilité d’aller au-delà de la simple protestation.
Pour le moment, on ne peut pas parler d’intérim, il n’y a que l’opposition qui en parle. Aujourd’hui, il y a, pour les autorités en place, une continuité, une normalité, qui fait que le président peut poursuivre sa convalescence et prêtera serment à une autre date devant le Tribunal suprême de justice. Même si le pouvoir fait comme s’il s’agissait d’un non-événement, il y a eu beaucoup d’agitation dans l’entourage d’Hugo Chavez la semaine dernière, avec des va-et-vient à Cuba notamment. Ils se sont mis d’accord pour la suite.
Ce qui pourrait modifier le processus actuel, c’est une fin tragique pour Hugo Chavez. C’est le seul événement qui est susceptible de faire bouger les choses. S’il y a décès, il faudrait bien procéder à une élection. Mais actuellement, personne ne connaît son véritable état de santé.
Non, elle ne semble pas capable de relever le défi car elle n’est pas dans une dynamique positive, restant sur le coup de deux échecs électoraux (présidentielle en octobre et régionales en décembre). L’opposition s’interroge aujourd’hui sur sa stratégie. Muet jusqu’à mardi, le principal rival d’Hugo Chavez, Henrique Capriles, avait toujours évité de parler de la santé du président vénézuélien car le sujet mobilise tous ses soutiens. Mais il est apparu avec un dissident du chavisme, plus social et proche «physiquement» de l’électorat populaire. Henrique Capriles se tient prêt à représenter une fois de plus la plateforme des 19 partis d’opposition en se gauchisant. Il a pris conscience qu’il y a, auprès de l’opposition, un déficit de l’électorat populaire dont une grande partie ne la considère pas comme fiable.
S’il sera très différent avec une victoire de l’opposition à l’élection présidentielle, l’après-Chavez aura aussi un style différent avec son héritier, le vice-président Nicolas Maduro. Celui-ci est un très proche collaborateur d’Hugo Chavez, notamment en matière de politique étrangère, où il a œuvré pour le rapprochement avec Cuba et le lancement de l’Alliance bolivarienne pour les Amériques. Il est difficile de préjuger comment serait la présidence de Nicolas Maduro car il n’a pas le talent oratoire d’Hugo Chavez, mais il s’agirait d’un style différent dans le même espace politique, avec le même trésor de guerre: le pétrole. L’ordinateur graverait le même programme en somme avec un scénario de continuité, comme au Brésil avec le remplacement de Lula par Dilma Rousseff.
A priori non. Les Etats-Unis sont mis en avant par les deux camps: ils sont un référent pour l’opposition et un acteur ayant la volonté de déstabiliser le pouvoir pour le gouvernement. Mais pour Washington, le Venezuela n’est pas un front prioritaire tant que la ligne rouge –la coupure des ventes de pétrole– n’est pas franchie. Même les pays européens, qui sont en déficit énergétique, essaient de trouver des voies diplomatiques. C’est une forme de Realpolitik, tout le monde s’accommode du Venezuela d’Hugo Chavez, sur le modèle des Etats-Unis.