« Le foulard à tête de mort est un dérapage dans le symbolique »
Une photographie prise par le journaliste de l’AFP Issouf Sanogo dimanche 20 janvier à Niono, dans le centre du Mali, a suscité l’émoi lundi sur les réseaux sociaux. On y voit un soldat français se protéger du sable avec un foulard représentant une tête de mort, ce qui lui donne des faux airs de Ghost, un personnage du jeu vidéo de guerre Call of Duty.
François-Bernard Huyghe, directeur de recherche à l’Iris et auteur de Terrorisme, violence et propagande (Gallimard, 2011), estime que cette photographie pourrait "fournir des arguments à la propagande adverse".
En mettant un foulard pour faire peur à l’ennemi, ce soldat effectue quelque chose de très antique. Cette tête de mort nous fait notamment penser aux pirates, avec un côté "s’en fout la mort". Le pirate, c’était l’ennemi du genre humain.
Ce foulard, c’est un talisman avec lequel défier la mort. Ce militaire a reproduit un symbole inscrit dans l’inconscient collectif qui veut dire : "je suis l’exterminateur, je n’ai peur de rien".
Ce masque pose un problème de communication militaire et politique. Nos soldats sont censés mener une opération propre et légale contre des criminels. Intervenant avec l’accord de l’ONU, ils sont censés être impeccable.
Mais en jouant les histrions tragiques, ce soldat fournit des arguments à la propagande adverse. Il donne l’impression que nos soldats pourraient être du côté des bandes de voyous. Cette image pourrait être exploitée par la propagande djihadiste qui pourrait y voir "les croisés au service de la mort".
Il y a un deuxième niveau d’interprétation. Nous ne sommes plus dans l’illusion du zéro mort. Dans cette guerre au Mali, le gouvernement a décidé de jouer la fermeté. Ce soldat nous rappelle que nous allons faire une guerre où il y aura des morts. On ne pourra pas négocier avec l’AQMI, les gens le pressentent.
Elle contraste effectivement avec les images lisses fournies les premiers jours. Il y a eu un mauvais contrôle de l’armée, qui est pourtant d’ordinaire très prudente.
C’est une gaffe dans la communication mais il faut remettre les choses à leur juste proportion. Ce soldat n’a pas commis de crime de guerre. On peut dire qu’il y a un dérapage dans le symbolique qui met un peu de désordre dans un beau dispositif technique.