Florence Cassez libre : l’arrivée au pouvoir de Hollande et Peña Nieto a tout changé
Florence Cassez a été libérée mercredi par la justice mexicaine après sept années de captivité. Elle est arrivée ce jeudi en France. Sa libération va-t-elle donner lieu à un réchauffement des relations franco-mexicaines ? Pour Jean-Jacques Kourliandsky, spécialiste de l’Amérique latine, c’est déjà le cas depuis quelques mois.
La libération de Florence Cassez va permettre d’apaiser les relations franco-mexicaines qui étaient très tendues depuis sept ans. Il s’agit là d’une très bonne nouvelle mais pas d’une surprise.
La détention de la Française était devenue une affaire d’État en raison d’un enchaînement de circonstances mais surtout de la mésentente entre le chef de l’Etat français, Nicolas Sarkozy et Felipe Calderón, le président du Mexique de 2006 à 2012.
Lorsqu’il est arrivé au pouvoir, le président Calderón, qui est un conservateur, a décidé de faire de l’insécurité la priorité absolue. Sa méthode était très énergique, il avait recours aux forces armées et demandait que la justice agisse avec rigueur.
Quand l’affaire Cassez a éclaté, il a, avec son ministre de l’Intérieur, voulu en faire un exemple. Il fallait montrer que son gouvernement était intransigeant avec les preneurs d’otages qui gangrènent le pays.
Felipe Calderón a donc saisi cette affaire par opportunisme. Nicolas Sarkozy aussi. Comme il l’avait fait avec Ingrid Betancourt, le président de la République a décidé de médiatiser le dossier en France mais également au Mexique. Ainsi, en mars 2009, il s’est rendu à Mexico en visite officielle et a évoqué le cas de Florence Cassez devant les parlementaires.
C’était une erreur, compte-tenu de la culture nationaliste des Mexicains. C’était aussi inopportun que lorsqu’il s’était adressé via la radio en des termes respectueux au chef du groupe qui avait enlevé Ingrid Betancourt en Colombie.
Les Mexicains l’ont très mal pris. Ils l’ont reçu comme un rappel à l’ordre donné par un État étranger s’ingérant dans leurs affaires. Il ne faut pas oublier que la France a un passif dans ce pays depuis l’expédition Mexicaine de Napoléon III.
Le procès de Florence Cassez est alors devenu un sujet encore plus sensible pour les Mexicains. Qui plus est les commentaires en France sur la justice tiers-mondiste du Mexique n’ont rien arrangé. Le point culminant a ensuite, bien sûr été le boycott de l’année du Mexique par le gouvernement mexicain en 2011, à la suite de la décision prise par les autorités françaises de placer cet évènement sous le parrainage de Florence Cassez.
La passation de présidence du G20 entre le Mexique, en 2011, et, la France en 2012, a fortement été perturbée par cette crise diplomatique entre les deux pays.
Il y a ensuite eu un tournant qualitatif très important dans les relations entre les deux pays, à partir de mai 2012 avec l’élection de François Hollande, mais surtout en juillet 2012 quand Enrique Peña Nieto est devenu président du Mexique sous la bannière du Parti révolutionnaire institutionnel (PRI).
Ce changement de présidents a permis d’apaiser les relations entre les deux pays. François Hollande avait même déjà pris les devants puisqu’il avait envoyé le président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Michel Vauzelle, à Mexico en avril 2012, pour prendre contact avec l’équipe de Peña Nieto, le secrétariat aux affaires étrangères et les parlementaires de tous les groupes politiques.
Tout cela, assorti d’un changement d’ambassadeur à Mexico, et d’un contact direct Hollande-Peña Nieto en octobre 2012, a permis de normaliser les relations entre les deux pays. Il y a eu une volonté réciproque de tourner la page.
Florence Cassez a pleinement profité de cette accalmie. A partir de ce moment là, son procès a été, déconnecté des medias. Et c’est tout un contexte politique et juridique qui a changé. Le gouvernement de Felipe Calderón privilégiait le droit des victimes. Avec le nouveau président, l’idée est que la personne condamnée doit pouvoir bénéficier pleinement de la présomption d’innocence.
Son parti, le PRI, est l’héritier de la Révolution Mexicaine de 1910-1920. C’était à l’origine un parti progressiste qui a mené d’importantes réformes en matière énergétique, agraire ou culturelle. Mais dans les années 1990, le PRI a mis en œuvre des réformes thatchériennes en rupture totale avec son histoire. Peña Nieto essaie de faire une synthèse entre les deux.
Aujourd’hui, on est revenu à la situation de 2005. Cet apaisement va se traduire par un contexte propice à l’accompagnement institutionnel des échanges de toute nature entre la France et le Mexique.
C’est important car le Mexique, comme la France est membre du G20. C’est aussi le deuxième partenaire économique de la France en Amérique latine, derrière le Brésil.