Philippe Verdon exécuté ? La « valeur » d’un otage français a évolué depuis le Mali
Selon un homme présenté comme un porte-parole d’Aqmi, Philippe Verdon, enlevé en novembre 2011 au Mali, a été exécuté. Alors que Paris cherche à vérifier l’information, quel sens donner à cette possible exécution ? Est-ce un signe de force ou de faiblesse des ravisseurs ? Éclairage de Jean-Claude Allard, directeur de recherche à l’Iris spécialisé dans la politique de défense et de sécurité.
Il faut tout d’abord préciser qu’en l’état actuel des choses, Paris n’a pas confirmé la mort de Philippe Verdon. Nous sommes par ailleurs face à une déclaration d’Aqmi diffusée le 18 mars, alors que l’exécution est censée avoir eu lieu le 10. Enfin, les ravisseurs se servent en général de leurs otages pour négocier un certain nombre de choses (pouvoir, argent, libération de prisonniers, etc.) et menacent de les exécuter s’ils ne sont pas satisfaits, ce qui n’a pas été le cas ici – les preneurs d’otages n’auraient pas manqué d’annoncer publiquement une requête non comblée.
Ces éléments doivent être pris en considération et rendent quelque peu curieuse l’annonce d’Aqmi, voire laisse douter de sa crédibilité.
Théoriquement, un otage sert à négocier. Quand ils commettent un rapt, les terroristes islamistes veillent donc à choisir un individu ou un groupe dont ils savent qu’il pourra leur permettre d’accéder à leurs demandes. C’est bien ce qui semble s’être passé avec la France, qui aurait discuté avec les preneurs d’otages et, peut-être, payé – c’est ce qu’on peut déduire de la "doctrine Hollande" énoncée depuis janvier, "Nous ne paierons plus".
Parallèlement à cette annonce, la France est intervenue de manière très active au Mali, elle y a envoyé beaucoup de forces et jusqu’alors, cela n’avait entraîné aucune répercussion sur les otages. Il y a donc une crédibilité des paroles renforcée par les actes.
Aujourd’hui, les terroristes n’ont donc plus le même champ tactique devant eux. Il est nettement moins ouvert qu’auparavant. Le gouvernement français a mis les preneurs d’otages dans une situation difficile.
Cette nouvelle dynamique apparaît comme un changement stratégique bénéfique : de bien matériel négociable, l’otage est devenu presque dangereux à détenir sachant que sa saisie entraînera de redoutables représailles.
Pour ce qui concerne ceux qui sont encore détenus, j’aurais tendance à dire que leur vie n’est pas plus menacée qu’avant l’intervention au Mali. Il y aurait peut-être même un changement de posture chez les terroristes. En effet, ces otages détenus ne sont plus vus comme une source d’argent, mais comme un dernier ressort. Ils incarnent en quelque sorte un gilet pare-balles final.
Il y a en effet deux types d’individus chez les terroristes islamistes : les troupes, fanatisées, qui combattent jusqu’à la mort y compris en commettant des attentats-suicide, et les chefs, dont les visées sont politiques (installer le califat) et économiques (accumuler le plus d’argent possible). Pour atteindre ces objectifs, ces chefs doivent absolument rester en vie.
Dès lors, concernant les otages, il est fort possible qu’ils soient dans un lieu sûr, sous la surveillance d’éléments terroristes fidèles à leurs chefs, avec interdiction d’y toucher. Il s’agirait d’une assurance vie d’ultime recours qu’ils pourraient mettre sur la table dans des négociations ultérieures, pour rester en vie.