La France a-t-elle changé de doctrine sur l’armement des rebelles syriens ?
« Le chef de l’État a changé de doctrine sur la nécessité de livrer des armes aux rebelles syriens. Auparavant, la France et la Grande-Bretagne, souhaitant livrer des armes offensives (sol-air) à l’opposition syrienne, ne voulaient pas que l’Union européenne renouvelle l’embargo sur les armes.
La fourniture d’armes offensives aux rebelles pose un problème de principe, celui d’appuyer une démarche d’emploi de la force plutôt que de la négociation pour mettre un terme au conflit.
De plus, livrer des armes offensives pose une question technique : il s’agit d’armes portatives, comme les "Stingers" que les Américains avaient livrées aux talibans, que l’on risque de retrouver utilisées dans des attentats contre des avions de ligne. Et sachant qu’aujourd’hui, un certain nombre de jeunes Européens partent se battre en Syrie dans les groupes islamistes, le risque est qu’ils s’en emparent et les retournent contre leur propre pays.
Cela pose aussi une question opérationnelle : auparavant, la France avait dit qu’elle livrerait des armes à des groupes ciblés. Sur ce point, le président est revenu en arrière. Car la rébellion syrienne est faite de plusieurs groupes, ceux qui sont en recherche authentique de démocratie, ceux qui se battent très localement et ceux qui appartiennent à la mouvance terroriste, islamiste ou djihadiste, dont l’objectif est d’imposer une idéologie islamique, et non la démocratie. Dans ce contexte, il est impossible de s’assurer que les armes livrées à un groupe ne seront pas demain entre les mains d’un autre groupe.
Enfin, la troisième question est politique. Le changement de rapport de force au sein de l’opposition fait réfléchir la France. Le président Moaz Al Khatib est démissionnaire depuis qu’on lui a imposé un premier ministre, Ghassan Hitto. Les deux ne sont pas d’accord sur la nécessité de négocier avec le régime. Or, pour mettre un terme à la guerre civile en Syrie, soit les deux parties en conflit arrivent à négocier, soit une partie doit exterminer l’autre pour en finir. On ne peut pas se ranger à cette dernière solution. Sinon, quel que soit celui qui gagne – et ce seront vraisemblablement les rebelles -, l’autre n’aura plus sa place dans la Syrie de demain ».