«L’héritier d’Hugo Chavez, un candidat de parrainage divin»
La campagne présidentielle qui anime le Venezuela est particulièrement courte. Les deux principaux candidats en lice, Nicolas Maduro et Henrique Capriles, se disputent le patriotisme et l’héritage d’Hugo Chavez. Une élection jouée d’avance pour Jean-Jacques Kourliandsky, chercheur à l’Iris et spécialiste de l’Amérique centrale et latine.
Après le décès d’Hugo Chavez, ses héritiers ont largement utilisé l’aspect émotionnel de cet évènement pour se présenter comme ses « continuateurs ».
Il n’y a aucune surprise ici et cette technique était bien entendu prévisible. Hugo Chavez avait fait de Nicolas Maduro son dauphin officiel, en novembre dernier, celui-ci se pose désormais en tant qu’héritier.
On peut même dire que les obsèques nationales d’Hugo Chavez ont été le premier acte électoral de Nicolas Maduro qui exerce la fonction de président par intérim.
Au-delà du culte de la personnalité, il y a un aspect cultuel très important. Nicolas Maduro s’inscrit dans cette culture.
De nombreux termes religieux ont été employés pour qualifier le président défunt et son œuvre. Cette rhétorique a d’ailleurs été très critiquée par l’épiscopat vénézuélien.
Il faut dire que la religion a une place très importante dans la société vénézuélienne et plus généralement en Amérique Latine. Cet aspect peut être difficile à comprendre depuis l’Europe.
Durant cette campagne, Nicolas Maduro se présente comme le candidat bénéficiant de l’onction de son prédécesseur.
Il y a sans doute des différences entre les deux hommes. Hugo Chavez était un militaire, Nicolas Maduro est un syndicaliste. Ils sont issus de deux cultures totalement différentes. Cependant, ils partagent tout depuis de très nombreuses années et si Hugo Chavez a choisi Nicolas Maduro, c’est parce qu’il estimait qu’il était réellement l’homme à même d’assumer son héritage.
En pleine campagne, et alors que la personnalité d’Hugo Chavez est au cœur de cette élection, il est difficile de voir ces différences. Elles se révéleront sans doute à l’avenir.
Les sondages varient mais le candidat Nicolas Maduro tient une avance de 10 à 20 points sur son concurrent Henrique Capriles. Le résultat de l’élection sera sans doute voisin de celui de la précédente présidentielle, en octobre dernier. Hugo Chavez avait alors obtenu 55% des voix contre 45% pour Henrique Capriles.
Cette différence de quelques points avait également été observée lors des dernières élections locales en décembre 2012.
Le patriotisme fait partie intégrante de la politique vénézuélienne et les deux principaux candidats se disputent le parrainage de Simon Bolivar, héros national libérateur des pays andins. Les deux hommes s’accusent également de trahir cet héritage patriotique.
Si Hugo Chavez n’était pas mort, si cette campagne ne se déroulait pas sur fond de deuil national, le résultat aurait sans doute été le même car dans le scénario d’une transition classique, Hugo Chavez aurait alors fait campagne pour Nicolas Maduro.
Nous aurions assisté à une campagne à la brésilienne, lorsque l’ex-président Lula a fait campagne pour son héritière, Dilma Rousseff, aujourd’hui présidente.
Depuis qu’Hugo Chavez a été hospitalisé à Cuba, à la suite de son cancer, Nicolas Maduro a assuré pleinement la fonction présidentielle. C’est lui qui a fait campagne en décembre 2012 et a gagné les élections locales. Les Vénézuéliens font confiance au parti et à la mouvance gouvernementale.
Sera-t-il aussi charismatique qu’Hugo Chavez ? C’est difficile à dire.
Hugo Chavez était un véritable « animal médiatique ». Si le Venezuela est un sujet aussi récurrent dans les médias internationaux, c’est en grande partie grâce aux talents de l’ancien président pour se faire remarquer et créer l’évènement.
Durant ses mandats, il n’était pas rare de le voir chanter une chanson mexicaine lors d’un rassemblement populaire ou faire des déclarations fracassantes, notamment en assimilant au diable à la tribune de l’Assemblée générale des Nations unies le président des Etats-Unis.
Il semble effectivement que Nicolas Maduro n’ait pas cette capacité d’attirer les médias et soit moins spectaculaire.
Cette question peut également être adressée à l’opposition. Serait-elle capable de plus d’ouverture envers le gouvernement ?
La société vénézuélienne est, me semble-t-il, durablement polarisée et il sera difficile de sortir de ce schéma.
Il faut toutefois noter une différence avec Henrique Capriles. Ce dernier a une ligne de bataille plus modérée que ses prédécesseurs qui avaient notamment tenté de renverser Hugo Chavez par un coup d’Etat, mené une grève générale de deux mois, mettant à mal l’industrie du pétrole, ou boycotté les élections législatives.
Henrique Capriles joue la carte des institutions et a notamment refusé de profiter du cancer d’Hugo Chavez lorsque celui-ci ne pouvait plus remplir ses fonctions présidentielles. Autre aspect novateur, Henrique Capriles assume la politique sociale de ses adversaires comme un acquis qui serait maintenu après sa victoire éventuelle.
Depuis que ce dernier est devenu le leader de l’opposition, l’agressivité des batailles politiques et électorale a baissé d’un ton, phénomène qui pourrait désormais se poursuivre.