ANALYSES

Syrie : Une nouvelle étape

Presse
7 mai 2013
Les armes chimiques ont peut-être justifié les raids israéliens. Mais ces opérations pourraient contribuer à renforcer Damas


Après les raids visant des dépôts d’armes, le pouvoir syrien a accusé Israël de soutenir les rebelles. Le régime de Damas a-t-il été vraiment encore un peu plus fragilisé par ces opérations ?

D’un strict point de vue militaire, ces attaques n’affaiblissent pas vraiment le pouvoir syrien. Elles ne sont pas déterminantes du point de vue du rapport de force. Politiquement, elles ont au contraire plutôt tendance à le renforcer.

À quel niveau ?

Le régime de Damas peut jouer sur deux tableaux. D’une part, il ne va pas se priver d’expliquer que la Syrie est un rempart contre l’ennemi sioniste et que, comme par hasard, les Israéliens profitent de la guerre civile pour attaquer le pays. D’autre part, on voit bien que la Ligue des États arabes a réagi de façon étonnamment rapide pour condamner l’agression israélienne. Jusqu’à ces derniers jours, elle était pourtant restée critique vis-à-vis de la Syrie, même si elle demeure très divisée sur cette question. En interne et en externe, ces bombardements israéliens ne semblent donc pas être une si mauvaise affaire pour Bachar al-Assad d’un point de vue politique.

Militairement, ces attaques ne risquent-elles pas d’accélérer l’internationalisation du conflit ?

Cette internationalisation existe d’ores et déjà sur le terrain. On sait que des djihadistes venus d’un peu partout se battent dans les rangs de la rébellion. On sait aussi que des combattants du Hezbollah libanais et des Iraniens sont également présents. Sur le terrain, cette internationalisation est réelle, mais elle reste très minoritaire. Mais surtout, on sait aussi que des puissances extérieures comme le Qatar ou l’Arabie saoudite ne se cachent pas d’aider la rébellion. Tout comme les Russes et les Iraniens, dans une moindre mesure, fournissent le régime en armes et en munitions.

Mais les raids israéliens constituent tout de même un élément nouveau…

Il est vrai que les interventions israéliennes modifient la donne. Et on peut d’ailleurs se demander pour quelles raisons ces raids ont eu lieu. Jusqu’alors, les Israéliens regardaient ce qui se passait en Syrie de manière très discrète. On peut penser que ce sont les menaces d’armes chimiques qui les ont poussés à intervenir, même si ces opérations s’inscrivent aussi dans les actions menées par l’État hébreu pour lutter contre le renforcement du Hezbollah. Apparemment, ces armes ont bien été utilisées, mais on ne sait pas où, par qui, comment. Hier, Carla Del Ponte a déclaré que ces armes ont été utilisées par les rebelles, mais la commission ne l’a pas confirmé. Ce qui est clair, une fois de plus, c’est que les choses ne sont pas en noir et blanc avec le méchant al-Assad d’un côté et les bons rebelles de l’autre.

Si l’information était avérée, les pays occidentaux pourraient-ils encore envisager de livrer des armes aux rebelles ?

Le dossier, on le sait, est excessivement complexe. Aujourd’hui, personne n’est capable de pouvoir affirmer que des armes livrées à tel groupe rebelle seront conservées par ce même groupe. Au-delà des divergences qui les séparent, il y a sur le terrain une fluidité absolue entre les groupes combattants. Cela dit, il y a déjà énormément d’armes dans le pays et il y en aura toujours beaucoup trop. Ce qu’il faut, c’est trouver une solution politique, et je fais partie de ceux qui pensent que la clé de la situation se trouve à Moscou.
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