Mali : « Les forces de la Minusma ne sont pas capables de fonctionner seules »
Alors que la mise en place de la Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali devait sonner l’heure du désengagement, les soldats français risquent de rester encore un certain temps dans le pays…
La nouvelle mission de stabilisation de l’ONU au Mali, la Minusma (Mission intégrée des Nations unies pour la stabilisation au Mali), a été officiellement mise en place ce lundi. Cependant, malgré ce déploiement, les soldats français -3.200 à ce jour- devrait être amenés à rester dans le pays, les troupes onusiennes étant incapables de fonctionner seules, explique à 20 Minutes l’ex-Général de brigade aérienne et directeur de recherche à l’Institut de Relations Internationales et Stratégiques (IRIS) , Jean-Vincent Brisset.
L’aviation française et l’armée de terre, avec ses hélicoptères, ont fait un travail remarquable dès les premiers jours de l’opération Serval. Les militaires français ont ainsi réussi à stopper l’offensive sur Bamako, et à casser les reins d’un certain nombre de points d’appui d’Aqmi (Al Qaida au Maghreb). Mais les autres problèmes, plus politiques, comme la gestion des Touaregs par exemple, ne sont pas réglés.
Il est certain que ce n’est pas fini. L’ONU a donné mandat à la France pour continuer l’opération Serval -actions des forces spéciales, de sécurisation, et surtout protection des forces de la Minsuma, qui ne sont pas capables de fonctionner seules. Il est irréaliste de vouloir sécuriser un territoire de plus d’un million de kilomètres carrés sans moyens cohérents. En Afghanistan, l’Isaf n’y est pas parvenue avec plus de 150.000 militaires. Au Mali, on voudrait le faire avec 12.000 militaires, et sans équipement adéquat.
Loin de là! Depuis une vingtaine d’années, on a essayé de former, équiper et entraîner les armées africaines via les programmes américains Acri (African Crisis Response Initiative) puis Acota (Africa Contingency Operations Training Assistance), ou le programme français Recamp (Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix), mais force est de constater que cela ne fonctionne pas. Les Tchadiens et les Nigérians ont des qualités militaires, mais sinon, les autres militaires africains ne sont pas capables de patrouiller dans le désert pour traquer des personnes qui ont l’habitude d’y vivre.
Il faudrait trouver des gouvernements capables de prendre en charge ce problème du Sahel, qui est un problème global. Ce qu’on fait au Mali, c’est une lutte sans fin si les pays autour (Algérie, Mauritanie, Soudan, …), où la menace islamiste est tout aussi présente, ne participent pas. Certains sont incapables de le faire, d’autres comme l’Algérie le font, mais en se cantonnant à l’intérieur de leurs frontières et sans être irréprochables du point de vue des droits de l’homme. Et, avec les livraisons d’armes à la Libye, on a ouvert la boite de Pandore. Ce sera la même chose si l’on fournit des armes à la rébellion syrienne: il y a un fort risque que beaucoup arrivent au Sahel.
Ce que je crains le plus, c’est que les forces de Serval doivent être utilisées pour protéger les forces africaines. Cela signifierait être obligé de garder un grand nombre de personnels sur place. Mais, même sans cela, l’armée française devait rester longtemps au Mali: on ne veut pas le dire, mais l’idée est d’avoir une base française permanente au Sahel pour lutter contre le terrorisme et endiguer l’extension de la zone d’influence islamiste au Sahel.