ANALYSES

Pour un programme de drone européen

Presse
15 juillet 2013
Interview de Jean-Pierre Maulny - Les Echos
Les événements de ces derniers mois pourraient nous inciter à penser qu’il est définitivement impossible de lancer un programme de drone européen. Comme l’a indiqué le ministre de la Défense français, Jean-Yves Le Drian, l’Europe a manqué ce virage depuis dix ans. En France, il est nécessaire de disposer d’une capacité opérationnelle à très court terme pour les opérations en cours, ce qui a justifié la décision d’acheter deux drones Reaper américains Male (moyenne altitude longue endurance). L’Allemagne est engluée dans le programme Eurohawk, un drone stratégique Hale (haute altitude longue endurance), d’origine américaine, dont le coût s’avérera supérieur à ce qui était estimé du fait de son incapacité à être certifié en l’état pour voler dans le ciel européen. L’Allemagne possède pour le moment deux drones Male intérimaires Héron, d’origine israélienne, jusqu’en 2014. Certains pensent que le marché européen est trop restreint, que ce programme coûterait trop cher et qu’il est donc nécessaire d’acheter ce type de matériel sur étagère, quitte à européaniser les senseurs qui équipent ces drones.

 

C’est oublier deux choses :

 

Israéliens et Américains se partagent aujourd’hui le marché militaire des drones Male et Hale, un marché qui est en expansion. Comme leur technologie duale peut être réutilisée pour des programmes civils, c’est un nouveau vecteur de développement de notre industrie aéronautique, qu’elle soit civile ou militaire.

 

Les drones sont tant opérationnellement que technologiquement des équipements nécessaires pour préserver l’autonomie stratégique. Or l’exemple de l’Eurohawk nous montre que nous ne pourrons prétendre réellement à cette autonomie si nous achetons ces équipements hors d’Europe, car les drones incorporent des technologies de souveraineté, comme les liaisons satellites.

La nécessité d’autonomie stratégique, le coût de développement d’un tel système, la taille du marché mondial militaire, les retombées pour l’industrie aéronautique en général et les capacités induites pour nos industries de défense militent pour la réalisation d’un programme européen rassemblant le plus grand nombre d’Etats possible.

 

La feuille de route pourrait être la suivante :

 

Dans l’immédiat les Etats européens qui possèdent des drones, c’est-à-dire principalement la France l’Allemagne, le Royaume-Uni et l’Italie s’accordent pour mettre en commun leurs capacités intérimaires existantes dans un pool de drones européens de reconnaissance. Ils s’engagent à ne pas prendre de décisions qui conduiraient à rendre pérennes leurs solutions intérimaires, au risque de rendre impossible l’émergence d’une solution européenne en optant pour des solutions de leasing dans le cadre de procédures d’acquisition d’urgence.

 

Parallèlement ces pays s’engagent dès maintenant à lancer un programme de drone européen Male de reconnaissance avec pour objectif de développer un démonstrateur, afin de disposer d’une capacité européenne autonome à l’horizon 2025. La capacité à armer ce système doit être facultative afin de respecter les différentes sensibilités. Ce programme européen de drones faciliterait la réalisation d’une nouvelle étape de la consolidation de l’industrie de défense européenne.

 

La France et l’Allemagne, qui ont chacun exprimé la nécessité de disposer d’un tel équipement en signant une lettre d’intention commune en septembre 2012, doivent prendre l’initiative d’une telle proposition. L’annonce du lancement d’un tel programme constituerait une des avancées majeures du Conseil européen de décembre, en témoignant de la volonté des Européens de combler une de leurs lacunes militaires majeures. Nul doute que les industriels et les Etats auraient à coeur de trouver une solution commune s’ils veulent vraiment s’engager pour renforcer les capacités militaires européennes et maintenir une industrie aéronautique et militaire compétitive en Europe.

 

 
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