Pourquoi la France est une des championnes de la mondialisation mais n’en profite pas vraiment
Pour Pascal Lamy, qui a quitté ce samedi la présidence de l’Organisation mondiale du commerce, la France est une des gagnantes de la mondialisation et dispose de nombreux atouts pour s’imposer dans la compétition économique mondiale.
La question des enjeux de la mondialisation dans le cas de la France est une question complexe et même s’il est un peu rapide de qualifier la France de championne de la mondialisation, il est aussi incontestable que notre pays tire assez bien son épingle du jeu. Côté atouts, le premier d’entre eux est probablement le classement de notre pays dans le top 10 des grandes puissances économiques alors que la France reste un tout petit pays en termes de population ou de superficie (en 2011, notre pays produisait 4% des richesses mondiales alors qu’il ne représente que 0,4% de la superficie mondiale et 0,9% de la population…). Le revenu par habitant est également l’un des plus élevé au monde et n’a cessé d’augmenter depuis des décennies.
C’est également un pays qui attire. Jusqu’en 2008, notre pays était le premier pays pour l’investissement direct étranger sur notre territoire. Les entreprises du monde entier investissaient plus chez nous qu’aux Etats-Unis, créant ou maintenant au passage des centaines de milliers d’emplois qui auraient peut-être disparus sans cette ouverture de notre économie aux capitaux étrangers. Il est difficile de déterminer combien d’emplois crée la mondialisation en France, il y a bien évidemment un problème de définition et de périmètre mais il est communément admis qu’un emploi sur quatre dépend en France directement des investissements étrangers.
Dans le même ordre d’idée, la croissance de nos grandes entreprises est en grande partie réalisées aujourd’hui à l’international. La France dispose encore de deux grands constructeurs automobiles qui restent parmi les leaders mondiaux grâce notamment aux marchés émergents. Et, même s’il est vrai que nombre d’entreprises délocalisent parce que la mondialisation rend cela possible et facile, les retours économiques liés à ces délocalisations restent positifs. Outre les retours directs tels que la meilleure qualification des emplois ou les profits réalisés, il faut aussi penser aux prix de ces produits qui ont diminué tant parce que la concurrence est plus importante que parce que les coûts de production diminuent.
La mondialisation fait souvent peur et là encore pour de bonnes raisons. La désindustrialisation de ces 30 dernières années peut être en grande partie imputée à l’ouverture économique de notre pays et avec elle, ce sont des centaines de milliers d’emplois qui ont disparu, créant un sentiment d’insécurité. Deux idées sont souvent sous-jacentes lorsqu’il est question des choix que doit faire notre pays dans la mondialisation. La première concerne celle de notre "modèle social" qui alourdit le coût du travail le rendant moins compétitif dans une concurrence mondiale exacerbée. Cela ne veut toutefois pas dire qu’il faut y renoncer comme certains le préconisent (ce serait d’autant plus dommage que les pays émergents commencent à comprendre l’intérêt de la protection sociale et que cela se développe aussi chez eux !), cela signifie juste que si le travail est coûteux, il doit être plus productif. La France est de ce point de vue un pays où la productivité est élevée mais le maintien de cette productivité élevée n’est pas (ou plus acquise). Le monde a changé et l’éducation, la formation initiale et tout au long de la vie sont fondamentaux et devront être financés au prix peut-être de la réduction d’autres dépenses…
L’autre concerne l’ouverture de notre pays avec l’idée que nous sommes encore trop prudents voire frileux dans la mondialisation et qu’il faut accélérer les réformes. C’est toutefois une question plus complexe qu’il n’y parait. Dans un monde idéal où tous les pays respectent les règles de la mondialisation, où ces règles sont équitables et permettent l’amélioration de la qualité de vie de tous, il est clair que plus d’ouverture pourrait aussi être source de plus de pouvoir d’achat, de stabilité etc. C’est toutefois loin d’être le cas, et les règles qui régissent la mondialisation sont encore très imparfaites et mal respectées, donnant l’impression d’un processus à géométrie variable suivant les cas et les situations et créant un réel sentiment d’injustice (repensez aux polémiques récentes sur les paradis fiscaux, la délocalisation des bénéfices de certaines grandes entreprises de l’internet)…
Cela dépend de ce que l’on entend par tirer meilleur parti de la mondialisation. Si c’est conserver notre rang mondial en terme de PIB, alors c’est de la croissance économique qu’il nous faut et pour cela une politique d’attractivité forte des investissements étrangers et de soutien des exportations (réduction du coût du travail, dérèglementation, etc.). Si c’est le plein emploi, les recettes sont un peu différentes et même si la croissance reste déterminante, il faut en plus penser qualification de la main-d’oeuvre, développement de pôles d’excellence etc.
Dans les deux cas toutefois, il ne faut pas oublier que la France est un pays prospère aussi parce que la consommation et le pouvoir d’achat y sont élevés, parce que notre patrimoine culturel et historique est unique et attractif, parce que nos infrastructures sont modernes et performantes. Ce sont aussi des atouts à préserver quels que soient les efforts à faire !