ANALYSES

Quand la recherche économique rejoint le bon sens… La mondialisation se ferait bien au détriment des travailleurs les moins qualifiés des pays développés

Presse
26 septembre 2013

Selon une étude du Brookings Institute, il y aurait un lien entre le niveau d’exposition à la concurrence internationale d’un secteur et la baisse des salaires dans celui-ci. Et ce sont les moins qualifiés qui en feraient les frais.


L’étude du Brookings Institute apporte-elle la preuve que la mondialisation se fait au détriment des salariés les moins qualifiés des pays développés ?



Il n’y a aucune raison que cela remette en cause les bienfaits de la mondialisation. L’économie mondialisée n’a jamais été une promesse de salaires plus élevés mais de prix plus faibles… La vraie question est d’identifier quels sont les facteurs de cette évolution. Imputer cette dernière aux seuls échanges et aux travailleurs chinois est certainement un peu rapide. L’économiste Paul Krugman, prix Nobel d’économie, s’était déjà insurgé contre cet argument développé par certains économistes dans les années 1990. L’ouverture à l’échange des Etats-Unis est trop faible pour que cette explication vaille. L’évolution de nos économies conduit également à la diversification des sources de revenus (placements financiers, revenus d’activités indépendantes etc.)




Il faut bien se garder ensuite de tout parti pris dans ce domaine. Le capital est nécessaire à l’investissement donc à une création de richesses à moyen terme. L’un des arguments qui fut avancé à la crise des années 1970 a été une répartition des richesses trop favorable au travail au détriment du capital pendant les Trente glorieuses !


Ce phénomène semble étonner la plupart des économistes outre-Atlantique. Comment expliquer qu’ils ne l’aient pas vu venir ?



Ce phénomène est bien connu. C’était l’une des analyses de Karl Marx en son temps à propos du capitalisme (à croire que certains économistes américains ont oublié d’étudier les théories marxistes…). C’est d’autre part un phénomène qui s’observe depuis les années 1970. Une théorie économique expliquant l’échange international suggérait d’ailleurs ce type d’évolution dans les années 1950…




Ce qui gêne probablement aujourd’hui, c’est la paupérisation des salariés les moins qualifiés et l’augmentation importantes des inégalités aux Etats-Unis et en Europe. Mais encore une fois la question de la répartition des revenus, de la formation et de la qualification des individus est une question politique et nationale… Les ouvriers chinois ne sont pas la seule raison de cette évolution qui n’est pas une fatalité ! La crise financière a aggravé l’ampleur et la visibilité de cela. Avant la crise en effet, les petits porteurs et petits épargnants mais aussi les ménages endettés compensaient par les gains sur leurs actions ou par une dette qui n’inquiétait personne !


Ces données peuvent-elles être relativisées ? Tous les salariés et tous les pays développés sont-ils concernés ?



Oui, ces données doivent être relativisées car ce sont des données macro-économiques donc globales et qui ne reflètent par définition pas tous les cas particuliers mais qui du coup amplifie le phénomène pour ceux qui sont concernés. On estime en général que les salariés les plus qualifiés sont moins touchés, que certains secteurs (services commerciaux, activités financières…) sont également moins exposés. Paradoxalement, les salariés de secteurs d’activité encore très protégés de la mondialisation subissent la baisse des salaires (bâtiment, grande distribution…).


Une autre interprétation de ces données est-elle possible ? D’autres conclusions peuvent-elles être tirées ?



Nombre d’autres explications sont possibles en effet. La financiarisation de nos économies en est une, la finance occupe alors une place plus importante du PIB. Le vieillissement de la population amplifiera encore probablement le phénomène dans les années qui viennent en réduisant la population active.




Tout est aussi question de productivité, les salaires augmentent quand le travail produit de la valeur ajoutée. Ainsi, le développement d’activités mal rémunérées comme les services à la personne amplifie ce phénomène également.


Cette évolution de la répartition des richesses en défaveur des salariés est-elle réversible ? Comment ?

Oui, c’est possible. Tout est question de pouvoir mais aussi de valeur. Les Trente glorieuses ont entraîné une amélioration du pouvoir d’achat parce que l’économie avait besoin de consommateurs, à l’inverse, les années suivantes furent celles de l’argent roi parce que la dette (privée et publique) mais aussi la montée des inégalités compensaient la réduction de la part des salaires sur la consommation. Les évolutions économiques connaissent toujours des cycles !


 

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