Fragiles victoires de Moscou
Dans trois mois, la Russie ne compte plus ses succès. En septembre, Poutine permettait à Obama de sauver la face en renonçant in extremis à intervenir militairement en Syrie. En octobre, le Kremlin se rapprochait du nouveau pouvoir égyptien en lui offrant de devenir un partenaire militaire. Fin novembre, coup double pour Moscou, un accord est signé avec l’Iran sur le nucléaire et surtout l’Ukraine tourne le dos à l’Union européenne, restant de facto dans l’orbite russe.
On peut mettre ces succès à l’actif de Vladimir Poutine, revenu à la présidence en », et aussi de Sergueï Lavrov, sorte de Kissinger russe qui est aux affaires depuis plus de vingt ans. Il ne faut pas oublier que ce rugueux ministre des Affaires étrangères est d’origine arménienne. Plus exactement, il est issu d’une famille arménienne de Tbilissi, la capitale géorgienne. C’est dire qu’il est particuliérement concerné et actif sur tout le front moyen-oriental, et en particulier sur la Syrie, qui dispose d’une minorité arménienne.
Mais, après tout, comme le signale dans Al-Monitor l’expert russe Fedor Lukyanov, « les succès de la Russie viennent surtout des échecs des autres puissances ». Et notamment des volte-faces des Etats-Unis. Curieusement, si Moscou marque des points, c’est parce qu’il n’a pas varié d’un iota dans ses analyses, aussi bien sur le nucléaire iranien que sur la Syrie ou le terrorisme islamique. Il défend toujours une realpolitik assez simple, fondée sur les intérêts stratégiques des Etats, sans trop s’encombrer d’idéologie.
Pour autant, la Russie n’a pas recouvré la puissance et l’envergure de l’ancienne URSS. Et ses avancées sont fragiles. Prenez l’exemple de l’Ukraine. Kiev a provisoirement tourné le dos à Bruxelles en refusant de libérer Ioulia Timochenko, mais cela ne signifie pas que ce pays rejoindra l’union douanière proposée par Moscou. Et fin 2014, lors de la prochaine présidentielle, Viktor Ianoukovitch – celui qui a dit non aux demandes des Européens – pourrait bien être battu. L’Ukraine se tournerait alors de nouveau vers l’Ouest. De même au Moyen-Orient, les acquis des Russes ne sont pas solides. L’accord qui vient d’être signé avec l’Iran est provisoire et rien n’indique encore que Téhéran se montre totalement coopératif sur la question nuécléaire.
Quant à la Syrie, il faudra un Lavrov très performant pour faire de la prochaine conférence Genève-II – qui se tiendra avant Noël – un succès. Ce que Moscou souhaite commence à être plus ou moins connu?: l’arrêt des fournitures d’armes aux rebelles, la cessation des hostilités, la possibilité pour les opposants « non terroristes » de rentrer sur la scène politique, l’engagement de Damas d’organiser une élection présidentielle fin 2014 où Bachar al-Assad ne se présenterait pas, etc. Un cadre de négociation qui malgré tout pourrait s’imposer, au vu de la faiblesse de l’opposition syrienne, arc-boutée sur le seul départ de Bachar, et l’absence totale de stratégie américaine sur la question.