«Le coup d’Etat, c’est une tradition en Thaïlande»
Mouvement pacifiste ou nouveau coup d’Etat? Les manifestants, qui ont pris ce mardi plusieurs ministères et demandent le départ du gouvernement, mettent la pression sur la famille Shinawatra. Décryptage avec Jean-Vincent Brisset, directeur de recherche à l’Institut des Relations Internationales et Stratégiques (Iris).
Thaksin Shinawatra, très critiqué par une partie de la population, s’est exilé. Il a été remplacé par sa sœur, qui essaie de le faire revenir en Thaïlande. Mais c’est une marionnette et Thaksin tire les ficelles. Thaksin a un côté Silvio Berlusconi dans le sens du populo-nationaliste, anti-moderniste et magouilleur. Les forces vives du pays sont descendues dans la rue pour chasser le système Thaksin, son clientélisme. Toute la famille Shinawatra est visiblement corrompue.
Oui, c’est un pays très divisé avec d’un côté les chemises jaunes, urbaines, qui ont un poids économique important. Et de l’autre les chemises rouges, des paysans, des petites gens, parfois sans travail et souvent payés par la famille Shinawatra pour venir manifester. Les forces vives du pays sont démocratiquement minoritaires, mais économiquement fortes. On assiste à l’opposition entre un conservatisme socialisant [les chemises rouge] et un modernisme libéral [les chemises jaune].
Le coup d’Etat, c’est une tradition en Thaïlande. En France, on voit ce pays comme beau et touristique. Mais depuis 1945, il y a déjà eu une vingtaine de coups d’Etat. Il y a parfois des morts, comme en 2010 (voir la chronologie), mais pas de massacre. Mais le vrai problème c’est que le roi, malade et très affaibli, n’a pas successeur dynastique. Or c’est lui qui est le garant de la stabilité du pays. S’il disparaissait, le problème de la succession du pouvoir serait double.
Il est très difficile d’imaginer un gouvernement de coalition car il y a un vrai clivage entre chemises rouges et chemises jaunes. Pour le moment, l’armée n’a pas bougé et il n’y a ni arme, ni blessé. La solution d’un gouvernement militaire est toujours possible. L’armée accepte tout à condition qu’il n’y ait pas de problème sur la pérennité du pays.