ANALYSES

De très fortes inégalités

Presse
7 décembre 2013
En 2011, l’Afrique du Sud a intégré le bloc des pays émergents, les Brics. Un signe de bonne santé économique ?



L’Afrique du Sud est un pays semi-industrialisé, disposant d’importantes ressources minières, un niveau de financiarisation élevé, la Bourse de Johannesburg étant la seule du continent, sans oublier de bons indicateurs en terme universitaires ou de recherches qui en font indéniablement un poids lourds de l’Afrique. Mais il y a aussi des éléments négatifs, avec une croissance économique faible, autour des 3%. Si le pays n’a pas connu de fuite de capitaux après l’apartheid, c’est lié à une politique libérale et à un pouvoir économique resté essentiellement aux mains des blancs. Ce qui se traduit aujourd’hui par de très fortes inégalités entre blancs et noirs, même si il y a une augmentation de la bourgeoisie noire ou l’accès à des postes de personnes de couleur imposé par le Black Economie Empowerment. 


Une société très libérale qui affronte difficilement la crise, connaît un fort taux de chômage et mène une politique sociale minimale ?



Le chômage touche effectivement 40% de la population. Dans le domaine social, il y a eu des avancées, surtout au niveau de l’eau qui constitue un droit inscrit dans la constitution et se décline dans une politique tarifaire liée à la consommation effective avec des premiers litres gratuits. Des progrès ont aussi été faits dans l’accès aux services comme l’éducation. Ceci posé, le système de protection sociale reste très faible, résumé à des allocations familiales et vieillesse. Mais c’est un système capitaliste et libéral.


Un système où la faiblesse des salaires soulève de gros problèmes, comme on a pu le voir avec les grèves des mineurs de Marikana, réprimées dans le sang en 2012 ?



Marikana était le premier mouvement d’importance, aujourd’hui suivi par beaucoup d’autres, notamment dans le secteur automobile. Ce problème des salaires est, d’une part, lié au poids important d’ouvriers immigrés, arrivant de pays voisins vivant des drames comme le Zimbabwe ou accueillis pour payer une dette vis-à-vis des pays voisins ayant soutenus la lutte contre l’apartheid comme le Mozambique. Et cette migration pèse sur les salaires. Mais c’est aussi le résultat d’une logique capitaliste et d’une société, encore une fois, extrêmement libérale. Cette question souligne aussi les problèmes posés par la Cosatu, congrès des syndicats. Si elle a joué son rôle sous Mandela puis Mbeki et les premières années de Zuma, ses membres sont progressivement devenus des apparatchiks, affichant un taux de corruption phénoménal et devenant de moins en moins légitimes.


La société est encore très violente ?



L’Afrique du Sud affiche toujours un nombre important de meurtres, viols et violence. Cela s’explique en partie par la permanence des township et la présence de la drogue, mais cela renvoie aussi à une société profondément déstructurée par l’apartheid durant lequel il n’y avait aucun droit à la terre, à l’exercice d’un petit commerce. C’est une société sans grandes racines territoriales. Il y a bien sûr des références identitaires et l’on se sait par exemple Zoulous ou métis, mais il y a aussi un déracinement profond propice à la violence.


Côté politique, comment se présente 2014, année d’élections présidentielle et législatives ?



Pleine d’incertitudes. D’énormes scandales apparaissent, d’ordre sexuel ou financier, les tensions avec les tendances nationalistes sont fortes… C’est une période d’instabilité qui ne signifie pas pour autant le départ assuré du président Zuma. L’ANC perdra probablement de son importance mais de là à parler de chaos politique… Je n’y crois pas, non plus qu’à un président blanc ou blanche de l’ANC comme certains l’avancent aujourd’hui. Des collègues sud-africains de la tendance aile gauche de l’ANC disent voir dans cette crise une opportunité de faire partir les apparatchiks, de poursuivre des réformes importantes comme celle foncière qui n’a pas avancée depuis 20 ans.

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